L'homme qui ne voulait pas décider.
Les trois premières phrases du livre pourraient résumer l'attitude du narrateur dans la vie: se lancer dans une action, puis se demander si on a bien fait, si on va continuer, comment s'y prendre etc. Le héros déteste prendre des décisions, c'est un irrésolu absolu.
Donc notre homme décide de partir, de "rouler". Vers où, pourquoi faire? ça c'est une autre question, qu'il évite de se poser. Il préfère que les événements décident à sa place. Il ne cherche rien de particulier, mais n'est pas opposé à une rencontre, voire une aventure. Mais attention! Pas question de s'impliquer trop fortement, il préfère s'arrêter avant.
Ainsi le narrateur va traverser la France. Il aime observer les paysages, que Christian Oster décrit avec bonheur. Il éprouve du plaisir à observer, aussi, les gens, mais un peu comme un entomologiste observe les insectes. Il se laisse même aller assez loin dans l'intimité de ceux-ci, mais en restant sur ses gardes, comme par exemple avec Claire qui aurait bien aimé poursuivre l'aventure avec lui. Mais lui doit rouler...
Comme dans tous ses romans, Christan Oster raconte des histoires qui n'ont pas de sens. Ce livre ne plaira pas aux lecteurs trop rationnels, qui cherchent dans un roman un but, une narration avec des temps forts et un dénouement. Mais je peux vous dire qu'on s'amuse à la lecture de ce récit. Parfois on pouffe, souvent on sourit. Car Oster est drôle, enfin moi, je trouve.
Son style, avec des phrases brèves et sobres, l'aide en cela. Dans une description un peu classique, soudain apparaît un détail saugrenu. Ou bien une phrase semble manquer de logique: "Je me suis demandé s'il s'agissait d'une réelle accalmie, et si Jordan avait toujours l'intention de tuer quelqu'un. En vérité, je l'en sentais capable. Son regard, par moments, s'aiguisait en quelque sorte à froid. J'ai cependant noté qu'il avait les oreilles décollées, ce que j'ai trouvé rassurant, mais ce n'était pas une preuve".
Finalement, notre héros, qui avait plus ou moins prévu d'aller jusqu'à Marseille, quoique... y arrivera, mais dans des circonstances telles, que finalement ce n'est pas lui qui l'aura vraiment décidé! Provoquer le hasard pour s'y soumettre: voilà la philosophie du narrateur.
Christian Oster nous dépeint plutôt un contemplatif qu'un décideur, mais un contemplatif qui décide de se lancer dans l'aventure de la vie, avec toutefois une certaine réserve. Ce n'est pas un apôtre de l'engagement!