« La fiction est un virus qui contamine tout ce qu’il touche. »


« Pour ne jamais faillir, Scherbius a un truc : il s’imagine qu’il est Jean-Paul Belmondo et qu’une demi-douzaine de caméras suivent ses moindres faits et gestes. »



Tout jeune déjà il a bluffé son éditeur en gagnant sous deux identités différentes un concours de nouvelles. Pour Antoine Bello, la vérité n’existe pas. Les faits existent, la réalité existe, mais la vérité est un concept.
De fait, rien n’est vrai dans son dernier roman, et pourtant tout existe.
Ça commence à la fin des années soixante-dix par un très jeune psychiatre dont le premier passant (« le premier venu », littéralement) est un imposteur magnifique. Pendant vingt-cinq ans, leurs destins vont être intimement liés et nous sont racontés par le biais de six éditions du même livre, un best-seller absolu, ajoutant à chaque nouvelle édition un complément. Quelle est la pathologie exacte de ce Scherbius impossible à cerner et pourquoi son psychiatre se laisse-t-il si facilement berner encore et encore ?
En tant que lecteur on s’attend tellement à l’entourloupe que l’on scrute chaque détail avec circonspection et on a de la matière : notre psy est gratiné, tout de même (et férocement amusant avec ses emportements anti-américains, par exemple).
De l’humour, il y en partout et ça participe à l’effet dévoration : il est impossible de faire quoi que ce soit d’autre une fois qu’on a commencé ce roman. On a envie d’en poursuivre la lecture de préférence à tout autre activité (y compris le sommeil) et c’est tellement rare.

Apologie de la fiction par excellence, cette histoire de dingue(s) (littéralement, encore une fois) nous balade exactement comme elle en a envie et on en redemande.




« Il maraude pour ne pas écorner son pécule », « Il me regarde avec commisération », « une hypothèse audacieuse s’échafaude en moi », « Il compense une certaine étroitesse lexicale par un usage désinhibé de l’argot », « Je vous dois des excuses, les plus humbles, les plus plates qui se puissent imaginer. », « Nul doute que mon incurie les eût copieusement divertis. » ==> Les premières années débordent d’un style très travaillé. Ça s’estompe au fil du temps qui passe.



« Eh physique, l’examinateur m’a demandé de calculer la durée du vol d’un boulet de canon ; j’ai trouvé huit ans et demi; il m’a dit : « Non, ça c’est le temps qu’il vous faudra réviser pour avoir votre bac. » »

LaurenceIsabelle
9

Créée

le 3 juin 2018

Critique lue 190 fois

Sylvie Sagnes

Écrit par

Critique lue 190 fois

D'autres avis sur Scherbius (et moi)

Scherbius (et moi)
CykerLogo
9

Critique de Scherbius (et moi) par Cyker Logo

Je ne veux rien spoiler donc je vais faire court: l'ascension vertigineuse d'une relation patient - thérapeute vers une relation d'interdépendance aiguë. Qui a besoin de l'autre? Qui est au service...

le 10 août 2018

1 j'aime

1

Scherbius (et moi)
AleksWTFRU
8

La surprise permanente

Moitié fiction, moitié œuvre psychologique, "Scherbius (et moi)" est déroutant à plus d'un titre. La première partie est absolument fascinante: la rencontre entre les deux personnages, la recherche,...

le 27 juin 2018

1 j'aime

Scherbius (et moi)
lireaulit
10

Critique de Scherbius (et moi) par lireaulit

Imaginez : vous êtes un jeune psychiatre et vous vous installez dans ce cabinet dont vous rêviez depuis longtemps, situé sur le prestigieux boulevard Saint-Germain. Ici vous placez une...

le 24 mai 2018

1 j'aime

Du même critique

L'Arbre-monde
LaurenceIsabelle
8

"Une fois qu’on a acheté un roman en pyjama, on ne peut plus faire marche arrière."

« A Bellevue, dans l’Etat de Washington, il décroche le job idéal : manutentionnaire amélioré, il arpente sur son mini-chariot élévateur un énorme entrepôt d’un supermarché de la culture en ligne, un...

le 6 sept. 2018

10 j'aime

VNR
LaurenceIsabelle
9

Une gouaille inimitable

Un quinquagénaire au chômage que sa femme a quitté pète les plombs et kidnappe les quelques personnes qu’il tient pour responsables de son malheur. A première vue, rien qui donne très envie...

le 1 juin 2018

6 j'aime

Miss Islande
LaurenceIsabelle
8

« Avec toi on manque de ténèbres, Hekla. Tu es la lumière. »

Quand Hekla est née, son père lui a donné un nom de volcan, sa grande passion dans la vie. Quelques années plus tard, nous sommes en 1963, elle quitte sa ferme natale pour la capitale, Reykjavik, où...

le 5 sept. 2019

5 j'aime