Sérotonine, un livre inutile qui vient grossir les mers tourmentées par toutes les désespérances du monde et surtout celles de son auteur qui doit cependant se réjouir du succès phénoménal des ventes en librairie. Florent-Claude, le héros tapi sous la plume de l’auteur ne se cache pas. Il s’expose et explose à toutes les pages, porte-paroles de son géniteur et se confondant avec lui, grand inquisiteur de la détresse humaine se cachant derrière l’attribut prédominant de la pensée houellebecquienne. Michel Houellebecq, en effet, a déjà maintes fois prouvé qu’il ne pouvait écrire sans référence à ce qui, selon lui, domine et pourrit le Monde, le sien en tous cas. Lire ce nouvel Houellebecq pour replonger dans les mêmes obsessions relève donc bien de l’inutilité de la chose.
Sérotonine tire son titre d’une hormone régulatrice de l’humeur. A ce propos, je souligne que mon humeur est effectivement restée invariable de la première à la trois cent quarante sixième page : habitée d’une furieuse envie de fermer définitivement cette fenêtre prétendument ouverte sur la réalité exclusive et stérile du monde selon Houellebecq.
Malgré une lecture appliquée, je n’ai ressenti chez cet auteur aucune vibration porteuse d’un espoir humaniste. Je reconnais donc et décerne le prix de l’efficience liberticide des lobbies de la publication littéraire. Avec un art consommé de la manipulation d’idées, ils ont tout fait pour forger, façonner et formater les avis et critiques que devaient avoir les lecteurs lambda dont je fais partie.
Mais, je me suis accroché. J’ai tenté de rester moi-même, explorateur et chercheur d’humanité. Je n’ai pu découvrir qu’un opus d’une platitude indicible dans le choix du vocabulaire retenu et d’une disette phénoménale dans l’apport d’idées vivifiantes. Pourtant, bon nombre de ses chroniqueurs ont tenté d’assigner à l’écrivain le statut de philosophe visionnaire qui aurait tout compris du malaise social et de la disparition inéluctable de toute solidarité en ce bas monde… Raté ! Les femmes n’y sont que des chattes ; les hommes, des pénis avachis en devenir ; les étrangers, tout spécialement les retraités , n’ont d’autres buts que de tendre des carrés de tissu où se posent leurs quettes sans tonus ou leurs fesses et seins de naturistes isolés dans leur monde clos dont la temporalité s’est arrêtée aux ‘septante’ non glorieuses.
L’auteur est à ce point provocateur qu’il prendra plaisir à mépriser tous ceux qui apparaissent dans son viseur : les hollandais qui ne peuvent prétendre au statut de peuple puisqu’ils ne sont que conquérants, les anglais qui sont aussi racistes que les japonais ou encore, sa consœur de plume chez Flammarion lorsqu’il s’affirme lecteur de Christine Angeot… du moins des cinq dernières pages!

Après deux cents pages de compilation des échecs professionnels ou amoureux, Michel Houellebecq donne à son héros de se souvenir du seul ami mâle de son univers. L’occasion d’évoquer le malaise des agriculteurs et leur occupation musclée des autoroutes avec du charrois agricole. La possibilité aussi de transformer ce noble agro-châtelain en martyr suicidé au cœur des provocations entre police, politiques et futurs gilets-jaunes. Une évocation haute en couleur, saupoudrée d’ornithologie, de zoophilie, de pédophilie, de sexe, de drogue, d’armes à feu ou encore de mariage arrangeable rappelant que le bonheur est dans le pré… le tout avec un manque total d’analyse quelque peu approfondie et d’espérance pour une mise en place d’une solution durable.
Le lecteur que je suis, volontairement jusqu’au boutiste, s’est replongé dans les eaux troubles des amours ratées du héros, de sa dépendance aux ravages d’un monde inhospitalier, d’une pseudo quête d’équilibre entre une humeur à vivre et une libido à servir. Rien que de l’égocentrisme exacerbé, jusqu’aux toutes dernières pages qui ouvrent un petit espoir pour une place à laisser aux autres…
Effectivement, dernière page, changement de ton. « Dieu s’occupe de nous […] il nous donne des directives très précises. Ces élans d’amour qui affluent dans nos poitrines jusqu’à nous couper le souffle, ces illuminations, ces extases, inexplicables si l’on considère notre nature biologique, notre statut de simples primates, sont des signes extrêmement clairs. Et je comprends aujourd’hui, le point de vue du Christ, son agacement répété devant l’endurcissement des cœurs : ils ont tous les signes, et ils n’en tiennent pas compte. Est-ce qu’il faut vraiment que je donne ma vie pour ces minables ? Est-ce qu’il faut vraiment être, à ce point, explicite ? Il semblerait que oui. »
Belle dernière envolée ? Rêve, hallucination ? Peut-être ! Il reste que ce livre m’a fortement déplu. Et c’est peu dire ! Aurais-je dû prétendre avoir lu Sérotonine de Houellebecq … en me contentant de la dernière demi-page ! Probablement …peut-être !

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le 20 août 2019

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