« Souveraine Magnifique » est un roman de l’écrivain Camerounais Eugène Ébodé. Publié chez Gallimard en 2014, l’auteur se met en scène comme étant celui venu du pays des crevettes (Cameroun vient du portugais Camerões signifiant crevette.) désireux de comprendre ce qui s’est passé en 1994 au Rwanda, pays des mille collines.
Souveraine Magnifique, c’est le récit d’une rescapée des massacres rwandais d’il y a à peine vingt ans et le récit de cette lente quête de justice qui débouche sur l’accompagnement d’une vache, Doliba, cogérée par le bourreau et sa victime ! Plus qu’un « conte africain », une tranche d’humanité à ne pas laisser filer !
Dans un langage tout africain, gonflé de sagesses ancestrales, de métaphores, de palabres, de silences et de temps consacrés à conter pour faire mémoire, l’auteur nous introduit à une double question :
Que s’est-il vraiment passé lors de cette saison des machettes durant laquelle des massacres ethniques ont été perpétrés sans que nos consciences européennes ne s’en offusquent immédiatement ? Pourquoi ce « laisser-faire » … même si, après coups, le tribunal international (TPI) s’est saisi de quelques procès exemplaires, à tout le moins se voulant exemplatifs ?
Un chemin de conciliation, de reconstruction d’un avenir commun est-il possible entre les victimes et les génocidaires ? Comment rendre compte de ce qui s’est passé en ouvrant un avenir ?
Avec verve et empathie, dans un maniement simple, chaleureux et imagé de cette langue française que l’auteur maîtrise parfaitement, le lecteur est pris par la main et invité à ouvrir les yeux. Il existe un devoir de mémoire qui doit nous pousser à dénoncer les thèses négationnistes et à nous souvenir des faits, sans juger les personnes, mais sans aucune complaisance pour les forces sataniques qui poussent l’Homme à accepter de détruire son semblable plutôt que de lui porter assistance.
Extrait (page 112): Comment toutes ces équations vont-elles se résoudre ? Par la raison du plus fort ? Par la médiation des sages assis sur l’herbe ? Par la colère et de nouvelles tueries ? Ah non ! Si la tuerie était une solution, on le saurait. … En revanche, le point de vue des survivants est une chose qui ne se discute pas. Heureux soit qui recueille leurs paroles comme on extrait une pierre précieuse de la roche ou de la boue. Et leurs propos doivent pénétrer les esprits pour devenir des passerelles de prévention et de mémoire…
« Heureux soit qui recueille leurs paroles comme on extrait une pierre précieuse de la roche ou de la boue. Et leurs propos doivent pénétrer les esprits pour devenir des passerelles de prévention et de mémoire… » Voilà bien le fondement même de ce livre… À lire, absolument, en gage de volonté d’engagement contre toute barbarie à venir !
François_CONSTANT
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le 23 janv. 2015

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