Substance Mort
7.8
Substance Mort

livre de Philip K. Dick (1977)

An occasion to talk about Dick... (un petit retour sur l'auteur et son image)

Substance Mort est glauque. Et un poil moralisateur au niveau de la grande méchante Drogue qui mange votre cerveau et qui explique pourquoi je suis en train d'écrire cette chronique tout nu assis sur un nain qui a l'air très énervé (qu'est ce que je fous ici, merde...)

Bref, un roman bien glauque, qui a entrainé une adaptation très fidèle, étrangement, et plutôt bien foutue, filmée puis redessinée directement dessus (je ne m'en souviens plus mais cette technique a un nom).

L'histoire est assez classique chez un dick en fin de parcours, ultra paranoiaque, traumatisé par ses excès amphétaminiques, et par sa volonté de montrer patte blanche officiellement quant à sa position sur la consommation de drogue.
Dit comme ça, ça peut sembler caricatural, mais la très bonne biographie de Carrière, ainsi que ses romans quasi autobiographiques Radio Libre Albemuth et surtout Siva, nous révèlent un portrait de Dick très très loin du fantasme des lecteurs assidus.
Non, ce n'était pas un rebelle anti corporation en lutte contre le système, ni un acid freak. Simplement un génial inventeur d'histoires avalant beaucoup d'amphétamines et ayant vécu des choses vraiment singulières, dans les marges de la réalité sur le tard, angoissé par le fait qu'il n'attire que des baba cools et autres gens probablement surveillés par les renseignements généraux américains. Allant parfois jusqu'à couper tout contact avec la "gauche" pour se rassurer, ou appelant les dits RG au sujet d'une lettre qui lui semble contenir des messages subversifs subliminaux (bon, il faut dire que les années Nixon avaient certainement de quoi vous faire péter un plomb, et vous sentir observer en continu...)

Donc pour résumer, un agent se fond dans le décor des consommateurs de drogue, fait ami ami avec eux pour les surveiller et démanteler le réseau. Pour ce faire, il se met à consommer, et réalise très vite qu'il est foutu, car la drogue en question est particulièrement addictive et a des conséquences irréversibles sur le système nerveux.
Se sachant condamné, il décide de mener sa mission à bien.

Fuite en avant vers un mur bien dur, il faut avoir le moral chevillé au corps pour accepter de suivre le personnage principal jusqu'au moment de l'impact.

Et si j'ai apprécié ce livre, ce n'est clairement pas le meilleur de l'auteur.

Mais, chose amusante si l'on regarde la chronologie réelle des parutions en France de ce Dick a écrit, il est souvent considéré comme son premier roman par la génération actuelle.
Pourquoi ?
Je suppose que c'est d'une part parce que c'est un des premiers à être sorti chez nous peu après sa sortie US (moins d'un an je crois).
En fait, ce n'est pas le cas. Quelques romans de Dick voient le jour assez rapidement dans des belles éditions entre la fin des années cinquante et les 70's.
Mais ces éditions belles et certainement chère ne circulent plus chez les bouquinistes, ce qui explique peut être le malentendu sus cité.
Dick commence à sortir massivement dans les belles éditions argentées ou dorées de Robert Laffont dès 1972 je crois, mais même celles ci, pourtant moins rares, ne courent pas les rues.

Mais en 74, la magie du livre de poche opère et une avalanche de Dick nous tombe dessus, pour notre plus grand bonheur.
Et ce sont les ouvrages de cette époque qui nous tombent parfois entre les mains.
La focale reste bien entendu sur ses romans de SF "classiques", pour la plupart datant du début des 60's, traduits un peu à la va-vite, ouvrages de consommation de masse.
Mais 1977 marque un tournant en France.
Septembre 1977 pour être exact. A Metz.
L'ami des chevaux arrive chez nous et donne une conférence qui a fait scandale chez nous, le traducteur décidant de s'arrêter tant il était choqué de voir que notre rebelle anti-institution était devenu une sorte de mystique chrétien, pour ne pas rentrer trop dans les détails.
Et donc, suite à ça, on se décide à sortir du contemporain, à s'intéresser à ce que Dick écrit en ce moment.
C'est là que sort Substance Mort, écrit en 77 et sorti en 78 directement en poche.
On a affaire à une sorte d'année Zéro pour Dick au pays du fromage, et c'est certainement l'origine réelle du malentendu concernant ce fameux Substance Mort.

Surtout qu'ensuite sort, après un silence de quelques années, la fameuse Trilogie Divine, inconnue pour la plupart, fondatrice et centrale pour les autres.
Etrangement, alors que j'ai lu la plupart des romans SF de Dick, il aura fallu que je lise The Cosmic Trigger de Robert Anton Wilson, un des plus puissants livres sur tout ce qui peut se rapprocher du psyché (conspirationnisme, 23, les Illuminés de Bavière, magie, mysticisme, synchronicités, Crowley, entre autres joyeusetés, et la Trilogie Divine de Dick) (ne cherchez pas, Cosmic Trigger n'existe pas en français mais je compte y remédier un jour, si personne ne se bouge le popotin avant), pour que non seulement je lise cette trilogie, étrangement un des seuls trucs pas encore réédité à l'époque, il y a quelques années, mais aussi pour que j'apprenne simplement son existence, ainsi que son caractère autobiographique.

comme quoi, la Dickerie aura évolué et signifié bien des choses à travers les âges...

Et en guise de Post Scriptum, une anecdote.

La lecture de Cosmic Trigger m'avait plongé dans un monde saturé de magie, de synchronicités troublantes (les synchronicités, vite fait, sont en gros les "étranges coïncidences" qui semblent signifier quelque chose, et qui sont liées entre elles, "dans une ténébreuse et profonde unité").
L'une d'entre elle est liée à Dick.
Je me mets à dévorer tous les romans de l'auteur et apprend donc, grâce à Wilson, l'existence de la Trilogie Divine.
J'ai donc très envie de lire SIVA, le premier volet, entre autres romans de l'auteur, mais voilà, quasiment rien à la Fnac de lui, sinon Ubik et peut être Blade Runner (ou "les robots rêvent-ils de moutons mécaniques ?").
15 jours après, grand maximum, une tête de gondole entièrement dédiée à Dick, la plupart de ses romans réapprovisionnés (si j'avais tenté de commander un roman, mon ego surdimensionné m'aurait certainement convaincu que c'était grâce à moi, mais fort heureusement, je n'avais pas tenté de commande, donc ma santé mentale (ou ce qu'il en restait) et mon humilité sont donc restées intactes...), et réédition annoncée de la Trilogie Divine, avec édition de Radio Libre Albemuth, moule dans lequel la TD a été coulée, et comportant déjà la plupart des éléments autobiographiques complètement fous qu'on retrouve dans SIVA (et qui sont rapportés par Wison, mais aussi par Carrière dans sa passionnante biographie) se trouvent déjà dedans, mais inscrit dans une autre trame narrative.

Anecdotique, peut-être, mais troublant, surtout dans une période de ma vie peuplée de choses bien plus étranges, et qui donnaient au quotidien une couleur particulière dont se retrouvaient teintés tous les évènements qui sortaient de l'ordinaire consensuel.

Ah oui, j'oubliais, la conférence en question se déroulait le jour même de ma naissance...
toma_uberwenig
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le 26 mars 2011

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toma Uberwenig

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