The Big Goodbye
8.3
The Big Goodbye

livre de Sam Wasson (2020)

Forget about it, Jack. It’s Chinatown.

Plongée dans les coulisses de la confection de Chinatown, The Big Goodbye est aussi un incroyable portrait du Hollywood des années 1970.


C’est l’histoire de quatre hommes et d’un projet. C’est l’histoire d’un réalisateur polonais, Roman Polanski, d’un scénariste talentueux, Robert Towne, d’un producteur ambitieux, Robert Evans, et d’un acteur adulé, Jack Nicholson. Et de tout ce beau monde qui se réunit et qui réfléchit pour livrer l’un des films les plus importants des années 70, et l’un des films policiers les plus importants tout simplement : Chinatown.


La confection de Chinatown, comme tout bon roman de Raymond Chandler, se révèle compliquée. Le scénariste Robert Towne, alors très en vogue, met des années à accoucher du monstre. Les intrigues se multiplient, les problématiques également, et Towne n’arrive pas à trancher : l’inceste doit-il prendre le dessus sur les conflits relatifs à l’eau à Los Angeles ? Ou inversement ? Après discussions et hausses de ton, Polanski arrive à une version finale du scénario, que Towne trouve insatisfaisante sur plusieurs points (notamment la fin).


Le tournage commence. Faye Dunaway se révèle exigeante, Polanski également, pour qui le retour sur Los Angeles est si dur, quelques années seulement après le meurtre de sa femme Sharon Tate (« Polanski avait épousé, il lui semblait, plus que l’amour de sa vie, mais l’amour dans sa vie, la gloire de Hollywood »). Jack Nicholson, adulé par tous, met la bonne ambiance.


Le film sort, bien reçu. Aux Oscars, en face de Chinatown : Le Parrain, 2ème partie… Seul Robert Towne ne repart pas bredouille avec l’Oscar du meilleur scénario original. Clap de fin, ou presque, puisque Jack Nicholson réalise la suite de Chinatown, The Two Jakes (1990). Face au manque de succès de ce dernier film, le projet de trilogie est abandonné.


Tout le sel de The Big Goodbye réside dans l’amour que Sam Wasson porte au film et à l’époque qui a accompagné sa gestation. Le livre oscille entre roman noir et enquête, dressant le portrait d’une ville, Los Angeles, et d’une période, les années 70 (« rétrospectivement, 1974 représente le bouquet final d’un jardin cinématographique entretenu par des cadres de studio ayant eu la bride sur le cou, ainsi qu’une osmose tacite entre le public et ceux qui font des films »). Sam Wasson a interrogé une grande partie de ceux ayant travaillé sur le film, de près ou de loin, et cite allégrement l’autobiographie de Polanski sans oublier des articles de presse. Wasson ne contourne pas non plus les difficultés en racontant l’effet qu’eu la mort de Sharon Tate sur le réalisateur polonais, mais aussi l’affaire de pédophilie qui le conduit encore aujourd’hui à éviter les Etats-Unis.


Sam Wasson s’amuse et déplore la fin d’un monde. Schématiquement, le passage d’un Hollywood où les studios étaient prêts à prendre des risques à un âge où les studios cherchent à rentabiliser leurs projets. La démonstration est appuyée, et renvoie à des exemples concrets en étudiant les campagnes marketing ou encore l’accueil de Les Dents de la mer de Spielberg. Sur un autre domaine, mais provoquant également d’importants changements, l’arrivée de la cocaïne provoque la chute de grandes figues hollywoodiennes. La somme de travail que représente The Big Goodbye force le respect.


« Evans avait donné carte blanche. Sans regarder à la dépense, Anthea avait commandé des bas d’époque à Paris et loué des bijoux si précieux que des gardes étaient employés à plein temps pour les surveiller. Elle savait que quasiment personne ne remarquerait qu’ils étaient authentiques. Il était probable que ces détails, généralement cachés sous des manteaux et des robes, n’apparaîtraient même pas à l’écran. Mais Anthea espérait qu’ils communiqueraient quelque chose du personnage au corps de Dunaway et que cela se retrouverait dans sa performance. On verrait bien. »

JulienCoquet
8
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le 10 nov. 2021

Critique lue 41 fois

Julien Coquet

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