Toute la terre est au Seigneur est un roman picaresque d'Henri Vincenot, publié par sa fille à titre posthume en 2000 et datant probablement du milieu des années 40.
En un peu plus de trois cent pages, le lecteur aura l'occasion de suivre les pérégrinations répétitives de François Queillot, un fils de notaire bourguignon dont la passion exclusive pour la fuite et l'errance le poussera à constamment recommencer sa vie dans la région limitrophe, plus loin, sous le regard clément d'un Ciel qui tour à tour donne et reprend avec un accommodement complaisant.
Toute la terre est un roman qui lasse au fur et à mesure de son montage, épousant peut-être trop strictement la forme de ces romans d'aventures satiriques que nous aura légué le goût espagnol. De nouveaux accouplements avec des personnages féminins insupportables de vide en revers de fortune bipolaires, le personnage ne cesse de rebondir de situations similaires en évolutions semblables sans jamais que ces coups de sorts n'apportent grand chose à un discours qui ne décolle jamais réellement de sa célébration de la vie rurale, sans ordre et sans maître, dans la malice d'une jouissance et d'une impertinence qui ne franchissent jamais complètement la barre de la franche immoralité pouvant répugner. Vincenot fait le portrait dans le roman d'une vie contingente, qui se plaît à toujours rechercher le ballottement passif et à afficher l'indécision métaphysique comme une sorte d'impertinence sympathique. C'est un ton, presque néo-voltairien sur la fin du roman, qui a tendance à perdre en force et à s'affadir.
Le roman s'en tire sans doute mieux lorsque, dans une certaine continuité avec Scarron et le Capitaine Fracasse, il célèbre la puissance du théâtre joué sur deux plans complémentaires. Thématiquement, le protagoniste s'engage à plusieurs reprises dans le roman dans des troupes qu'il finit par diriger, et ces passages, se faisant l'éloge d'une espèce d'existence autonomiste basée sur la solidarité et l'horizontalité itinérante, sont amusants et efficaces, en plus de rendre un hommage que l'on sent sincère et précis au pouvoir de la comédie. De façon plus méta, Vincenot se plaît souvent à réécrire, dans des scènes romanesques, des motifs de comédies classiques (et surtout de Molière, régulièrement mentionné) qui donnent du corps à son personnage, notamment lorsqu'il persécute son frère abbé spoliateur. On entrevoit d'ailleurs dans quelques passages plus pathétiques et premier degré une critique de la religion comme institution sociale qui vient se mettre en opposition avec l'espèce de religion naturelle plutôt désirée par Vincenot.
Un roman comique qui n'est pas le Roman Comique, en somme.