Trouble, le premier livre traduit en français de l'écrivain flamand Jeroen Olyslaegers est un roman puissant et chaotique qui ressemble à l'époque et à l'endroit qu'il décrit : l'occupation allemande dans la ville diamantaire d'Anvers où vivait une importante communauté juive. L'ouvrage se présente comme un long monologue d'un vieil homme, de nos jours, à destination de son arrière petit-fils où il raconte, plutôt qu'il ne justifie, ses actes durant cette sombre période où les lignes entre collaboration, résistance et neutralité, si tant est que cela ait pu exister, étaient pour le moins floues et sujettes à interprétation, bien des années plus tard. Le temps était alors à l'ambigüité, au doute, aux faux-semblants, et pour la plupart des anversois, à la survie. Wilfried, le narrateur, qui n'a peut-être plus toute sa tête, lâche de temps à autres quelque bribes de son histoire et de celle de ses proches après 1944. Durant l'Occupation allemande, Il était insaisissable, un policier aux allures de couleuvre qui se glissait dans tous les milieux, peu décidé à choisir un camp plutôt qu'un autre. Cet univers trouble rappelle un peu celui du Lacombe Lucien de Louis Malle (à la différence que le susdit avait de son côté pris parti, un peu par hasard, d'ailleurs). Trouble est un grand livre exigeant qui orchestre le capharnaüm ambiant avec maestria, quitte à perdre son lecteur parfois, notamment dans ses premières pages. L'atmosphère y est délétère et le cynisme autant que le tempérament dual de son personnage principal, poète à ses heures et soumis à des bouffées de violence éruptive, contribuent à densifier un roman qui alterne moments crus et instants lyriques, dans un style intense qui laisse peu de temps pour souffler. C'est vraisemblablement le livre le plus abouti de Jeroen Olyslaghers dont on serait curieux de lire d'autres récits, ce qui devrait pouvoir se faire si, comme il le mérite, Trouble connait le succès en France.

Cinephile-doux
7
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Mes livres de 2019

Créée

le 18 févr. 2019

Critique lue 246 fois

3 j'aime

Cinéphile doux

Écrit par

Critique lue 246 fois

3

Du même critique

As Bestas
Cinephile-doux
9

La Galice jusqu'à l'hallali

Et sinon, il en pense quoi, l'office de tourisme galicien de As Bestas, dont l'action se déroule dans un petit village dépeuplé où ont choisi de s'installer un couple de Français qui se sont...

le 27 mai 2022

76 j'aime

4

France
Cinephile-doux
8

Triste et célèbre

Il est quand même drôle qu'un grand nombre des spectateurs de France ne retient du film que sa satire au vitriol (hum) des journalistes télé élevés au rang de stars et des errements des chaînes...

le 25 août 2021

73 j'aime

5

The Power of the Dog
Cinephile-doux
8

Du genre masculin

Enfin un nouveau film de Jane Campion, 12 ans après Bright Star ! La puissance et la subtilité de la réalisatrice néo-zélandaise ne se sont manifestement pas affadies avec Le pouvoir du chien, un...

le 25 sept. 2021

70 j'aime

13