Le Rêve : l'appel de la guerre

Dès sa présentation, Le Rêve rencontre un immense succès. Il vaut à Édouard Detaille, le plus habile de nos peintres de batailles, une médaille d'honneur au Salon de la société des artistes français de 1888. Acquis par l'État, il est exposé l'année suivante lors de l'Exposition universelle, célébrant le centenaire de la Révolution. La gloire !

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Fascinante peinture. Le Rêve est une allégorie belliqueuse et boulangiste . Cette grande toile (400 x 300 cm) a été conçue pour frapper les esprits. Elle représente de jeunes conscrits en manœuvre, endormis, à l'aurore, un matin d'été. Des soldats prêts à se battre, l'alignement des faisceaux de fusils est parfait. Leurs songes se rejoignent, ils rêvent de la gloire de leurs anciens. Or, comment gagner leurs lauriers ? Sinon, en prenant leur revanche. Dans le ciel, on devine les soldats de l'An II (Première République) et d'Austerlitz (Premier Empire), du Trocadéro et de l'expédition d'Alger (Restauration), les braves de Magenta et de Solférino (Second Empire), peut-être même les rescapés de Gravelotte et de Reichshoffen (guerre de 1870), tous réunis, républicains et monarchistes, à jamais dans le panthéon des armes françaises.

Le registre supérieur est traditionnellement réservé aux dieux, demi-dieux et héros mythologiques, ou au Dieu chrétien, ses saints et ses anges. Ici, point de divinité, mais seulement de grands anciens défunts victorieux et, en filigrane, la France !

Boulanger chutera, mais la République reprendra à son compte la peinture et son programme d'exaltation de l'armée, alors même qu'elle impose le service militaire obligatoire (loi du 15 juillet 1889).

PS J'admets que Le Rêve peut donner lieu à une lecture moins guerrière, politiquement plus correcte et, à mon avis, anachronique : ces âmes sensibles y verront moins la prémonition d'une victoire revancharde, qu'une compensation de la cruelle défaite.

Pour le plaisir : "Si nous rêvions toutes les nuit la même chose, elle nous affecterait autant que les objets que nous voyons tous les jours. Et si un artisan était sûr de rêver toutes les nuits, douze heures durant, qu'il est roi, je crois qu'il serait presque aussi heureux qu'un roi qui rêverait toutes les nuits, douze heures durant qu'il serait artisan." Blaise Pascal, Pensées 386