Un recueil de nouvelles de Russel Banks, c’est un peu la garantie du plaisir de la lecture.
À l’écriture toujours aussi magistrale de Banks s’ajoute le format de courtes nouvelles qui oblige à aller vite et bien à l’essentiel, là où ça fait mal, juste au cœur.
Au cœur de ces hommes et femmes dont la vie est sur le point de basculer tout doucement, au cœur d’une famille qui est sur le point de partir à la dérive. Car il est beaucoup question de couples et de familles dans ces nouvelles comme dans celle qui donne son titre au recueil : Un membre permanent de la famille, un membre de la famille qu’on vous laisse découvrir (un indice : il est en photo sur la couverture).
Des tranches de vie ou non, même pas : de simples petits moments de vie, quelques heures suspendues où tout peut lentement basculer, lorsque à ce moment l’on décide d’arrêter de se mentir à soi-même.
De son écriture sèche et un peu froide, comme un stéthoscope, Russel Banks ausculte les cœurs.
Comme celui de Howard, tout récemment transplanté, qui doit s’habituer au rythme cardiaque d’un autre, un autre dont la veuve a voulu le rencontrer.

[…] '”Oui, j’aimerais vous demander un service, dit-elle. Je peux ?
- Ouais, bien sûr. Pourquoi pas ?
- Je voudrais écouter votre cœur. Le cœur de Steve.
- Houlà ! Écouter mon cœur ? C’est … disons, est-ce que c’est pas un peu … bizarre ?
- Pour moi ce serait vraiment important. Plus que vous n’imaginez. […]
Ils restèrent ensemble un long moment, secoués par le vent qui venait du port, chacun serrant l’autre dans ses bras en écoutant le cœur d’Howard.

Dans les premières pages (une des meilleures nouvelles) on fera aussi la rencontre de Connie, un ancien marine, un vétéran dont les trois fils sont dans la police et qui se fait bêtement choper au retour d’un braquage de banque …

[…] “Allez, papa, sois raisonnable. On est deux là à pouvoir t’arrêter ! C’est ce que tu veux ? Être arrêté par tes propres fils ? Et que le troisième soit ton gardien de prison ?”
Connie regarde la fenêtre à l’autre bout de la pièce et, à travers la vitre, l’obscurité du dehors. Il se demande si on est déjà en pleine nuit ou de très bonne heure le matin. Il déclare : “Ça parait bizarre, quand vous dites les choses comme ça. Comme si j’avais voulu que ça arrive.”

En quelques pages, chaque nouvelle nous plonge au cœur de l’humain, au cœur de ces êtres ordinaires des États-Unis d’Amérique.
Contrairement à la plupart des recueils de nouvelles, celui-ci est très harmonieux, empreint d’une unité de ton un peu mélancolique qui fait qu’on le referme en ayant eu l’impression de lire un roman étrange peuplé de personnages divers.
Un concentré de grande littérature.
BMR
9
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur.

Créée

le 18 févr. 2015

Critique lue 396 fois

2 j'aime

BMR

Écrit par

Critique lue 396 fois

2

D'autres avis sur Un membre permanent de la famille

Un membre permanent de la famille
Shimamoto-Cha
5

Critique de Un membre permanent de la famille par Shimamoto-Cha

Une sacrée déception avec ce livre si bien critiqué par pas mal de mes éclaireurs. De très bonnes nouvelles et autant de mauvaises. Bien incapable de faire le moindre lien entre elles. La plupart...

le 29 avr. 2015

5 j'aime

2

Un membre permanent de la famille
jerome60
8

Critique de Un membre permanent de la famille par jerome60

Douze nouvelles en tout, se déroulant pour la plupart entre le nord de l’état de New York et la Floride. On y croise des couples qui divorcent, une femme à qui le décès de son mari va ouvrir les...

le 16 avr. 2015

3 j'aime

Un membre permanent de la famille
Theloma
9

Douze perles blanches ou noires

Chacun des douze textes d'Un Membre permanent de la Famille est un petit joyau qui scintille d'un éclat particulier et vous laisse - selon le destin des personnages (et des animaux !) que nous y...

le 9 janv. 2016

3 j'aime

6

Du même critique

A War
BMR
8

Quelque chose de pourri dans notre royaume du Danemark.

Encore un film de guerre en Afghanistan ? Bof ... Oui, mais c'est un film danois. Ah ? Oui, un film de Tobias Lindholm. Attends, ça me dit quelque chose ... Ah purée, c'est celui de Hijacking ...

Par

le 5 juin 2016

10 j'aime

2

The Two Faces of January
BMR
4

La femme ou la valise ?

Premier film de Hossein Amini, le scénariste de Drive, The two faces of January, est un polar un peu mollasson qui veut reproduire le charme, le ton, les ambiances, les couleurs, des films noirs...

Par

le 23 juin 2014

10 j'aime

Les bottes suédoises
BMR
6

[...] Je ne suis pas hypocondriaque, mais je préfère être tranquille.

C'est évidemment avec un petit pincement au cœur que l'on ouvre le paquet contenant Les bottes suédoises, dernier roman du regretté Henning Mankell disparu fin 2015. C'est par fidélité au suédois et...

Par

le 10 oct. 2016

9 j'aime

1