Il est loin le temps où le « nouveau philosophe » libertaire gravitait autour du PSU. Déjà, en 1983, son Sanglot de l'homme blanc surprend, il y défend l’idée que le sentimentalisme tiers-mondiste d’une partie de la gauche plonge l’Occident dans une crise d’auto-culpabilisation. Avec Un racisme imaginaire, il dénonce l’équivocité du concept d’islamophobie, un terme islamiste repris à satiété par les idiots utiles des mêmes islamistes qui, sous prétexte de protéger les musulmans, proscrit toute critique de l’islam. Sa démonstration est dense, j’en extraie quelques idées.


1 – Bruckner décrit (longuement) la résurgence de l’antisémitisme sous couvert d’antisionisme et la concurrence victimaire entre noirs, musulmans et autres minorités… La suite est plus intéressante.


2 – La chute du Mur et la perte de la classe ouvrière ont contraint une partie de la gauche à trouver dans les musulmans une nouvelle figure de l’opprimé.


3 – Or, l’islam ne se vit pas comme une religion des pauvres et des déshérités, mais au contraire comme l’héritier de la promesse du Prophète : « Vous êtes la meilleure communauté, qu'on ait fait surgir pour les hommes. Vous ordonnez le convenable, interdisez le blâmable et croyez à Allah. » (Al-`Imrân 110), une parole incarnée dans les quinze siècles de splendeur du califat omeyade de Damas, abbasside de Bagdad, puis ottoman d’Istanbul. Comment accepter l’abolition du califat, les désespérantes dissensions du monde arabo-musulman et leur perte d’influence ? L’islamophobie ”est d’abord le nom d’une blessure narcissique inversée en rancœur”, une tentative désespérée pour inverser le cours de l’histoire.


4 – Il critique notre tentation des accommodements raisonnables, sur le voile, les interdits alimentaires ou la séparation homme/femme. ”La France est détestée par les islamistes, non parce qu’elle les opprime, mais parce qu’elle les libère”. Ils redoutent une société fondée sur l’autonomie individuelle, l’innovation perpétuelle, la remise en cause de l’autorité ou l’émancipation des femmes.


5 – Rien à faire, qu’assumer : ”Rien n’apaise la fureur des doctrinaires, une fois notre civilisation désignée comme satanique. Rien n’égale l’aveuglement des libéraux face à la volonté exterminatrice des premiers. Ils ne croient pas au mal, seulement aux malentendus. On ne choisit pas ses ennemis. Ce sont eux qui nous désignent à leur vindicte, que nous le voulions au non”. 


6 – Pour finir, Bruckner nous quitte sur une bonne nouvelle, c’est presque gagné : ”Ne minimisons pas l’extraordinaire séduction qu’exerce le mode de vie occidentale sur les peuples étrangers, contrepartie de l’aversion qu’ils lui vouent. Eux aussi sont gagnés, comme nous, par l’impatience de la liberté, l’exigence du droit, un style de vie qui conjoint l’amour de l’existence, la poursuite du bien-être et l’accomplissement individuel. Leurs rêves sont les nôtres.”

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le 1 mars 2017

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Step de Boisse

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