Titre intrigant… Cette histoire de volupté nouvelle, quand on sait quelles voluptés sont d’ordinaire affectionnées par Pierre Louÿs, peut mettre la puce à l’oreille. Je ne dévoilerai pas la chute de la nouvelle qui donne son titre au recueil (1), et me contenterai de dire qu’elle est beaucoup moins scabreuse que celle qu’on pourrait attendre, et – pour le moment – moins subversive.
Évidemment, l’érotisme reste présent tout au long du livre, un érotisme dont l’humour n’est pas si éloigné de ce qui sera quelques années plus tard celui d’Apollinaire, dans les Exploits d’un jeune don Juan, par exemple. On parle d’un recueil dont un récit s’intitule « Une ascension au Venusberg »… En allemand, le mont de Vénus, oui…
Le lecteur de Pierre Louÿs retrouvera son style, tout imprégné de classicisme et profondément libre à la fois. Si, par certains côtés, le recueil se rattache à cette fin-de-siècle littérairement fourmillante (« j’hésitais à choisir entre deux passe-temps de solitude : écrire un sonnet régulier en fumant des cigarettes, ou fumer des cigarettes en regardant le tapis du plafond », dans « Une volupté nouvelle », p. 5-6), il me semble impossible de ne pas y voir des références récurrentes à cette littérature du XVIIIe siècle qui regorge de cloîtres, de jeunes ingénues, et dans laquelle se fondrait remarquablement un passage comme « Le reste suffit au fond de mon souvenir. J’avais dix-sept ans. En une demi-heure, moi qui ne savais rien des réalités, j’avais tout appris d’elles, tous les secrets de la vie, de l’amour et de la mort ; et ce que les romans appellent le désir ! et ce que c’est qu’un homme amoureux ! et ce que c’est aussi qu’un homme mort » (dans « La Persienne », p. 61).
Pierre Louÿs, c’est le genre de peintre qui peut ressusciter un leitmotiv de l’art du XVIIIe siècle tout en le dynamitant : « La clef entra dans la serrure avec un bruit si déchirant qu’Armande poussa un cri d’angoisse comme si cela se passait déjà dans sa petite virginité » (p. 43, dans « L’Aventure extraordinaire de Mme Esquollier »).
C’est le genre d’homme qui peut dans une même phrase exprimer le pire de la muflerie, puis le recul qui laisse croire que ce n’est pas la sienne : « le charme d’une femme s’accroît toujours au moment où elle se tait, mais c’est une vérité spéciale dont l’évidence n’apparaît qu’aux hommes » (le narrateur d’« Une volupté nouvelle », p. 27).
Louÿs, c’est celui qui veut tout contrôler, par l’écriture et par la lecture. Quoique moins bon et moins intéressant que la Femme et le Pantin, que les Chansons de Bilitis ou même qu’Aphrodite, ce petit recueil le montre aussi bien.


(1) Est-ce un recueil publié tel quel du vivant de Pierre Louÿs ? Une compilation procurée après coup par les éditeurs ? En tout cas je ne connaissais aucun des récits qui le constituent.

Alcofribas
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le 3 mai 2019

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Alcofribas

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