Je n’ai jamais souhaité écrire sur les romans de John Steinbeck, car je considère qu’aucune critique ne pourrait résumer et magnifier l’ensemble de son oeuvre, dense et magistrale. Encore une fois, À l’Est d’Eden m’a touché au plus profond de moi-même, comme si chaque mot couché sur le papier prenait tout son sens et n’avait été créé que dans le but de servir Steinbeck. La dernière page tournée, un sentiment de plénitude vous envahit, vous faisant prendre conscience de cette odyssée américaine flamboyante qui vient de se dérouler devant vos yeux. Je me refuserai donc à tout commentaire superflu qui ne viendrait qu’alourdir les propos élogieux déjà tenus à propos de ce roman, et me contenterai de vous citer un passage - un parmi tant d’autres - qui a particulièrement fait écho en moi et à ma perception des choses.
Sous sa carapace de lâcheté, l’homme aspire à la bonté et veut être
aimé. S’il prend le chemin du vice, c’est qu’il a cru prendre un
raccourci qui le mènerait à l’amour. Lorsqu’un homme arrive au moment
suprême, peu importe son talent, son pouvoir ou son génie, s’il meurt
haï, sa vie est une faillite et sa mort une froide horreur. Il me
semble que vous ou moi, au moment de choisir entre deux voies, devons
toujours penser à notre fin et vivre pour que notre mort ne fasse
plaisir à personne. Nous n’avons qu’une histoire. Tous les romans,
tous les poèmes, sont bâtis sur la lutte incessante que se livrent en
nous-mêmes le bien et le mal. Le mal doit être constamment ressuscité,
alors que le bien, alors que la vertu sont immortels. Le vice offre
toujours un visage frais et jeune, alors que la vertu est plus
vénérable que tout au monde.