Abattoir 5
7.5
Abattoir 5

livre de Kurt Vonnegut (1969)

Voilà un ouvrage qui fleure bon les années 70 aux États-Unis. D'ailleurs, il est paru en 1971. Peace and love et une liberté de ton qui n'aurait guère plus cours de nos jours, notamment pour ce qui de l'antimilitarisme - fort sarcastique et en même temps gentillet - qui imprègne le bouquin. Vonnegut est d'une génération qui a connu la seconde guerre mondiale, il y a même participé semble-t-il, et la façon dont il évoque la chose n'est guère flatteuse pour l'institution militaire, ni pour ceux qui la dirigent ou, pauvres diables embrigadés, s'y sont laissé embarquer avec un enthousiasme certain. Bref, un ton qui n'est pas sans rappeler celui d'un autre auteur étasunien, contemporain avec peut-être quelques années de moins, Luke Rhinehart : une même ironie face à la connerie humaine et un même détournement des codes de la science-fiction.


Ce bouquin semble en effet autobiographique, du moins pour ce qui concerne les années 1944 et 1945. Pour le reste, j'en suis moins certain, pas sûr que Vonnegut, même s'il portait des lunettes, ait été un jour opticien. Si un lecteur de cette chronique peut confirmer, je l'en remercie par avance. Quoiqu'il en soit, le procédé narratif utilisé dans Abattoir 5 est de mélanger les époques, pas au point de changer d'époque au milieu d'une phrase comme dans "Les voix du Pamano", mais en le faisant au fil de paragraphes souvent très courts. C'est assez marrant et l'auteur le justifie par la capacité qu'aurait son personnage, Billy Pilgrim, à changer d'époque à sa guise. Cela provenant de son enlèvement par des extra-terrestres l'ayant initié aux secrets du voyage temporel. Détournement des codes de la S.F, comme je le disais plus haut : l'ensemble du bouquin est comme ça, loufoque et fantaisiste. Et que dire de Kilgore Trout, caricature d'écrivain de S.F raté, qui apparait de temps à autre dans le roman.


Ainsi, on pourrait penser qu'il s'agit d'un truc assez léger. Ce n'est pas tout à fait vrai et d'ailleurs ce n'est pas ce que le titre laisse entrevoir. Car il est tout de même assez fortement question de la guerre, avec en point d'orgue le bombardement de Dresde par l'U.S Air Force et l'aviation britannique. Entre 25.000 et 250.000 morts, selon les estimations des uns et autres. Des civils pour la plupart, la ville n'étant pas militarisée et ayant - forte de ses nombreux hôpitaux - accueilli nombre de réfugiés qui fuyaient devant l'avance de l'armée rouge en ce printemps 1945. Un événement qui résonne curieusement avec l'actualité et qui vient nous rappeler que la guerre, ça tue souvent des gens qui n'ont rien demandé à personne. Et que les massacres, volontaires, de civils sont l'apanage de toutes les puissances militaires.


Il semble que l'auteur ait vécu cette boucherie et s'en soit sorti en se planquant dans un abattoir (le numéro 5, selon la nomenclature en vigueur) et son bouquin est en définitive, sous des dehors légers, une charge implacable contre l'absurdité et la cruauté des guerres, avec un texte dans lequel chaque décès qui se produit (et il y en a beaucoup) est ponctué d'un ironique "c'est la vie". C'est court, pas désagréable à lire et c'est certainement le bon moment pour le faire.

Marcus31
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le 22 mars 2022

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