La concupiscence de l'abstraite coryphée

J'ai mis du temps à le lire ce bouquin, et il ne faut pas chercher loin pour comprendre pourquoi. Juan Branco a un style littéraire des plus désagréables. Même Mathieu Bock-côté, qui est pourtant québécois et écrit en français soutenu, offre des textes exigeants mais plus lisibles. Là, il faut s'assurer d'avoir compris la première phrase avant de passer à la suivante.

Cela dit, si la forme est inutilement pompeuse, le fond est plutôt excellent. Analyse philosophique intéressante sans pour autant tout partager, Abattre l'ennemi est très bon dans sa radicalité. Ce livre, témoin de l'époque gilet jaune mais aussi biographique pour Juan Branco (comme tous ses ouvrages), établit un état des lieux qui se finit en apothéose dans son avant dernier chapitre. La lucidité de l'auteur, qui demeure malgré ses innombrables défauts quelqu'un de brillant, intellectualise le drame de notre politique pour en faire des leçons pédagogiques (hélas illisibles).

Le dernier chapitre est un contrepoids à cette observation politique, en présentant un ensemble de mesures parfois très radicales. Au moins, le livre est cohérent en ce qu'il présente les problèmes, mais propose aussi des solutions (qui sont parfois discutables, mais qui ont le mérite d'exister). Bref, un ouvrage complet, mais à la lecture hélas dangereuse pour la patience, tant le style est artificiellement imbuvable.

"Nous ne seront pas les phares évanescents d'un monde vouer à demeurer dans les ténèbres"