Aux sources de la psychiatrie biologique

3 ans après son précédent livre sur "une galerie de portrait à l'asile du Rhône", Philippe Cialdella poursuit son travail d'historien sur un sujet totalement méconnu des psychiatres actuels dont la formation exclue (à une exception près) majoritairement l'historicité de la discipline. Après un passage par l'auto-édition, cette fois-ci il bénéficie du soutien des éditions L'Harmattan pour la publication de son ouvrage, ce qui peut sembler étonnant au regard du lectorat potentiel, mais j'y reviendrais plus loin.

Dans cette ouvrage, les lecteurs découvriront les méthodes les plus surprenantes employées dans les asiles avant le développement des spécialités pharmacologiques (médicaments) réellement efficaces pour traiter les symptômes. Il explique ainsi l'apparition d'une technique visant à injecter aux patients des asiles des extraits de globules blancs appelés "nucléinate" et que nous connaissons aujourd'hui sous le nom d'ADN. Le rationnel de l'époque était le suivant : au début du XXe siècle où l'immunologie faisait de grand progrès, ces découvertes ont suscité l'intérêt des psychiatres pour exploité cette voie, ce d'autant plus que les troubles psychiatriques induits par des maladies infectieuses étaient commun avant l'avènement des antibiotiques (Alexander Fleming en 1928). L'ADN injecté avait principalement pour effet de provoquer une fièvre plus ou moins forte qui dans des cas exceptionnels pouvaient déclencher une rémission. Bien entendu, il ne faut pas confondre ceci avec la preuve d'une causalité. Entre la tuberculose et la syphilis qui faisaient toutes deux des ravages, le champ d'expérimentation était vaste. Une large section du livre est consacrée à la malariathérapie, qui reposait sur l'inoculation du parasite du paludisme (le plasmodium malariae) pour déclencher une crise de fièvre, parfois mortelle. Les données qui ressortent de ces expérimentations tendent à montrer une efficacité faible mais réelle de la malariathérapie face aux traitements usuels de l'époque à base de mercure (hautement toxique). On le voit en l'absence de méthodologie scientifique et éthique adaptée, les recherches se faisaient prenaient parfois des directions inattendues. Thérapie de l'ADN et du plasmodium seront toutes deux décrites sous le nom de "pyrétothérapie" (thérapie par la fièvre) dont on sait depuis que l'effet n'est pas bénéfique sur l'organisme. Nous apprenons que ces techniques seront ensuite suivies par les "thérapies de choc" : cure de sommeil, choc insulinique, puis viendront ensuite les chocs électriques (à la nuance près que cette technique a désormais fait ces preuves et que son usage sauve chaque année des patients de la dépression la plus profonde).

Mis à part ce résumé succinct que je peux tenter de transmettre, ce livre souffre d'une excessive érudition, et de ce fait, de ne trouver que peu de lecteur pouvant appréhender l'intérêt et la complexité du sujet. En dehors de psychiatres, curieux de mieux connaître l'histoire de leur discipline, je doute que le sujet et son développement sur 320 pages intéressent des lecteurs non avertis. Cependant, il mérite d'être publié et de pouvoir servir de référence pour d'autres historiens de la psychiatrie qui y trouveraient des références bibliographiques et une source d'inspiration pour de futures recherches.