Sous un baobab géant, une poignée d’humains vit dans un confort apparent, soumis à un dogme strict : curiosité, souvenirs et sentiments trop forts sont considérés comme des déviances dangereuses.
La plume d’Auriane Velten est d’une rare élégance : chaque mot, chaque description sonne juste, sans fioritures. Sa langue épurée reflète la société qu’elle dépeint – austère, maîtrisée – tout en laissant poindre, entre les lignes, la profondeur des êtres. Le recours systématique à un pronom neutre « ile » n’est pas qu’une pirouette formelle : il ancre le lecteur dans un avenir linguistique cohérent, où l’universalisme prime sur la distinction. Le choix d’une écriture inclusive avec ce pronom universel, inspiré de celui que vous connaissez certainement, « Iel » n’est pas un choix anodin, et même si cela m’a déstabilisé au départ, j’ai finalement réussi à me détacher du pronom pour me concentrer sur les mots et l’intrigue, pour au final que le genre soit complètement gommé. Dans l’intrigue, cela a du sens et on le comprend à la toute fin…
After® ne se contente pas d’un parcours d’exploration : il interroge la nature même de l’humain. Qu’est-ce qui nous définit, si ce n’est notre capacité à ressentir, à créer, à nous souvenir ? En privant sa communauté des émotions, l’auteure pointe les dérives d’une quête de perfection. Le baobab protecteur devient une prison dorée, où se niche l’angoisse de l’oubli.
Si le rythme peut paraître mesuré, il sert une immersion totale : on ne lit pas After®, on le vit, c’est un récit immersif dans lequel la progression de Cami et Paule dans un monde ruiné maintient un suspense subtil, tandis que l’écriture, précise et poétique, transforme chaque instant en interrogation sur notre propre mémoire, mais aussi sur celle de l’humanité.
Cela renvoie aussi à notre monde actuel, avec des tentatives pour gommer certains faits historiques, et même si l’Histoire est parsemée d’injustices, les effacer, les oublier, n’est pas la solution, ce serait refaire les mêmes erreurs… Oublier, c’est s’exposer à un éternel recommencement et cela est bien plus dangereux que connaître l’Histoire et ses travers.
Un peuple qui ne connaît pas son Histoire est voué à l’oubli et à une disparition programmée. Un futur aseptisé où l’oubli est une vertu ne peut qu’échouer.
Une plume singulière et immersive : Auriane Velten adopte une écriture épurée et poétique, qui reflète l’austérité de la société décrite tout en laissant transparaître une profonde humanité. L’utilisation d’un langage inclusif, avec des pronoms comme « ile », s’intègre naturellement à l’univers et renforce l’immersion du lecteur.
Ce récit introspectif et engagé ravira les amateurs de science-fiction qui cherchent un texte à la croisée du thriller psychologique et du conte philosophique. Un livre dont l’écho résonne bien au-delà de ses dernières pages.
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