Albert Angelo, architecte dilettante, n’arrive pas à percer, et fait donc des remplacements en tant que professeur pour gagner sa vie. Il se retrouve face à des classes de plus en plus difficiles et abandonne assez vite sa volonté d’être juste et son ambition éducative. En même temps, sa vie affective et sexuelle est un désert car il ne peut se détacher du souvenir de son ancienne petite amie Jenny.

Albert Angelo expérimente face à ses élèves pour tenter de contenir leurs excès, et B.S. Johnson, lui, expérimente une large palette de techniques de narration ; les trous dans la page pour voir le futur de la fiction, qui ont beaucoup fait parler d’eux, ressemblent plutôt à un gadget, à côté notamment de ce chapitre extraordinaire en double colonne qui nous permet de suivre en parallèle ce que dit Albert à ses élèves et les volutes de ses pensées, ou en comparaison des variations de la posture du narrateur qui passe et revient du je, au tu ou au il selon la sphère dans laquelle il se situe - familiale, professionnelle, amoureuse - et selon son degré de détachement.

L’éventail des procédés de narration utilisés par B.S. Johnson dans ce deuxième roman est impressionnant mais, de même qu’Albert Angelo est attiré par l’architecture classique dans Londres, c’est avant tout un talent d’écrivain classique que BS Johnson déploie dans ce roman véritablement poignant – à travers le récit de cette expérience des salles de classe difficiles des années 60 et enfin lorsque le narrateur nous dévoile le parallèle entre le destin d’Albert Angelo et la fragilité de son propre destin d’écrivain.

« Le Directeur est guindé, distant, préoccupé. Il te présente à son Adjoint, Mr. Coulter. Mr. Coulter ne t’aime pas. Il n’aime pas les remplaçants. Les profs remplaçants sont pour lui synonymes de dérangement. Ils dérangent son emploi du temps, ont une formation insuffisante et sont incompétents.
Alors qu’il te conduit jusqu'à ta classe le long de passages dallés, il te fait sentir son aversion, oh de manière tellement policée, en tentant de découvrir pourquoi tu n’as pas de poste fixe, jusqu'à ce qu’il apprenne que tu es parfaitement formé et qualifié.
"Ah, un architecte manqué", dit-il avec un sourire désagréable, il ouvre la porte de la classe et t’oblige littéralement à entrer le premier. »
MarianneL
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le 6 avr. 2013

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