Anne de Green Gables par Jude

Avant sa ré-édition chez Monsieur Toussaint Louverture, je n’avais jamais entendu parler d’Anne de Green Gables. J’avoue que c’est d’abord pour la couverture et le livre cartonné que j’ai acheté l’ouvrage. Puis après l’avoir vu absolument partout pendant des mois, j’ai préféré repousser ma découverte, le temps de laisser passer la hype.

Ce qui m’a d’abord frappée, ce sont les titres de chaque chapitre, un peu à l’image d’une histoire en feuilleton, où le contenu de chaque chapitre correspond vraiment au titre en exergue. (Autant dire que c’est pas toujours le cas dans les romans contemporains...)

Le roman commence en plantant le décor d’Avonlea, un village où tout le monde se connaît et où il faut supporter les médisances, les vues traditionnelles, étriquées ou hâtives de certaines femmes du coin. À Green Gables, vivent un frère et une soeur, Matthew et Marilla, qui n’ont jamais rien connu d’autre que leur ferme. Arrivés à la soixantaine, ils font le constat qu’ils vont avoir besoin d’aide pour l’entretenir. L’idée leur vient de prendre un orphelin. Mais un sacré quiproquo leur amène une petite fille bien volubile de 11 ans.

Alors.
J’ai eu un peu de mal au début avec les cancans des vieilles femmes qui se mêlent d’absolument tout, puis avec cette chère Anne, qui noie tous ses interlocuteurs sous un flot de paroles sans lien logique. J’te jure qu’au début, je cherchais ce qui avait produit un tel engouement autour de ce petit personnage. Puis de bêtise en parole sans filtre, j’ai commencé à la trouver très drôle.
L’autrice utilise souvent le second degré, elle se moque gentiment de sa petite protégée. Quand Anne croit vivre une tragédie qui mettrait fin à son existence tant elle a honte de sa bêtise, l’autrice nous demande implicitement de la regarder avec bienveillance, de s’amuser de son tempérament exubérant, qui fait tout son charme.

Donc au début, j’avais un peu de mal avec tout ça, puis j’attendais avec impatience la prochaine bêtise d’Anne. Quand j’ai constaté un bon nombre d’ellipses narratives, symbolisant le passage vers la maturité d’Anne, j’étais un poil déçue. Les années défilent si vite ! Le livre couvre tout de même 5 années de sa vie : son adolescence. On la découvre enfant et on la quitte âgée de 16 ans et demi, faisant des choix raisonnés, résolus et un poil résignés.

Mais au fond, Anne est restée la même : une petite âme qui cherche autant que possible à faire le bien autour d’elle. Peut-être pour se faire aimer, elle qui n’a jamais été appréciée à sa juste valeur. Peut-être parce que faire du mal à qui que ce soit est tant mal perçu (la religion n’a pas une place prépondérante dans le livre, mais t’entends quand même causer de la femme du pasteur, de l’Eglise et puis avec toutes les bonnes femmes et leur morale ultra-stricte, t’oses à peine bouger le p’tit doigt). Ou peut-être juste parce qu’Anne a un bon fond et s’exerce à toujours donner le meilleur d’elle-même, parce que si elle donne, la vie lui donnera aussi.

J’ai pas mal apprécié son lien avec Matthew, qui refusera toujours de participer à son éducation, ce qui lui laisse (faut le dire) le beau rôle : celui du gentil qui ne hausse jamais la voix. Je dois admettre que c’est peut-être le lien que j’ai le plus aimé dans cette histoire, car Anne et lui ont perçu chez l’autre, sous les couches de timidité pour l’un, sous celles d’une exubérance enfantine chez l’autre, combien leurs âmes étaient bonnes et prêtes à accepter tout ce qui pourrait se révéler entre eux. Evidemment la fin laisse un petit goût amer, mais ce n’était pas si surprenant et d’un point de vue psychologique, ça permet à Anne d’accéder à plus de profondeur.

Plus importante encore que les prêches d’un pasteur, Anne, par sa simple présence entière dans toutes choses, fait revoir à chaque membre du village, son jugement sur l’humain. Anne n’était pas attendue, mais elle a su, l’air de rien, apporter un vent de fraîcheur à Green Gables.