C'est sans doute le succès de Propre, l'an dernier, auréolé du Prix Femina Etranger, qui aura permis la sortie d'Assassines, le livre précédent d'Alia Trabucco Zerán, paru en 2019 en langue espagnole, sous le titre de Las Homicidas. C'est à un exercice d'équilibriste que se livre l'autrice chilienne, entre le récit, avec les cas de quatre femmes meurtrières dans son pays, au XXe siècle, et l'essai, autour de la place des femmes et de la manière dont les affaires les concernant ont été vues par la société de leur époque. Pourquoi s'intéresser à des femmes qui ont tué, alors que les féminicides ne cessent de faire la une des journaux, hélas, l'écrivaine y répond de façon très sensée, en étudiant comment, au-delà des crimes qu'elles ont commis, ces quatre femmes ont été jugées selon des critères qui les ramenaient à leur condition et aux stéréotypes qu'elles incarnaient. Ces assassinats ne pouvaient être que dus à la jalousie, à la passion amoureuse ou, éventuellement, à l'hystérie, n'est-ce pas ? Les enquêtes de l'autrice sont fouillées, montrant que quelles que soient les motivations de ces meurtrières, issues de milieux très divers, la justice des hommes a des explications toutes prêtes à servir et ce sont pratiquement toujours les mêmes. Le livre est très pertinent pour son travail de décryptage sociologique, mais il est aussi assez frustrant dans le sens où, à cause de l'éloignement temporel de ces crimes et d'une volonté générale de les laisser reposer dans la poussière, l'on ne possède qu'une partie des éléments, biographiques et personnels, qui expliqueraient les gestes de ces assassines. À l'exception notable de la plus récente d'entre elles, sorte de cousine encore plus machiavélique de "nos" sœurs Papin, dont les empoisonnements fascinent par leur horreur même.

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le 30 sept. 2025

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