À moins que vous ne soyez féru d’archéozoologie et sérieusement avide de parfaire vos connaissances en paléogénétique et autres paléogénomiques, je ne saurais vous recommander la lecture de ce livre !

Il est certes d’une richesse exceptionnelle et on y apprend une multitude de choses (j’ai pris près de 6000 mots de notes – livre numérique aide – passionnantes) mais, à mon sens, de façon trop didactique, trop exhaustive, trop… sérieuse (pour ne pas dire ennuyeuse). Je ne compte plus les ouvrages de vulgarisation scientifique que j’ai dévorés. Celui-ci n’en est pas un ! Je le prends pour un document, et je ne l’ai pas dévoré, je l’ai subi.

Son auteur, Jean-Denis Vigne, est né à Dreux en 1954. Sur la photo de sa fiche Wiki, c’est un Monsieur très sérieux, imposant, et pas du tout rigolo… Agrégé de sciences naturelles, archéobotaniste et archéozoologue, il a obtenu son doctorat en 1983 à l’Université Pierre-et-Marie-Curie. Il est directeur de l'unité Archéologie et Archéobotanique du Muséum national d'histoire naturelle et du CNRS, et président de la Société préhistorique française.

Sérieux, je vous dis !

Comment vous parler de ce livre ?

Dans les grandes lignes, en le survolant rapidement et ne retenant que quelques traits importants ? Ou en rentrant un peu plus dans les détails pour satisfaire les curieux (il y en a peu, mais il y en a), au risque de devenir aussi ennuyeux que l’original ?

Finalement, après un essai négatif, j’opte pour la première version, allégée.


Enfonçons les portes ouvertes : Si je vous dis « animal domestique », à quoi pensez-vous immédiatement ?

Probablement à… chat et chien !

Ce sont, évidemment, des animaux domestiques, mais ce sont, en plus, des animaux de compagnie qui vivent souvent – dans nos sociétés occidentales – dans l’intimité des humains.

Alors se pose la question : Qu’est-ce qu’un animal domestique ?

Voici une réponse (peut-être pas la seule) : « [Les scientifiques] s’accordent en grande majorité pour considérer qu’un animal (ou une plante) peut être considéré comme domestique lorsque les humains contrôlent sa reproduction sur plusieurs générations. »

Si l’on prend cette proposition comme étant LA définition de la domestication animale, alors « Il faut clairement distinguer, du moins dans nos sociétés occidentalisées, les animaux domestiques de compagnie et d’élevage. »

Mais si on y regarde de près, ce n’est pas si simple : vous connaissez le « pet keeping » ou élevage d’animaux de compagnie ? Cette pratique se rencontre un peu partout : cochons sauvages et singes en Malaisie, chauves-souris, lézards et perroquets aux Fidji, tortues en Nouvelle-Guinée, gazelles chez les Bishnoïs d’Inde, et même anguilles en Nouvelle-Zélande. Quelles que soient les raisons de ce pet keeping, il faut en retenir qu’on peut être animal et faire partie de la famille, sans être un animal domestique.

J’ai lu quelque part que l’éléphant d’Asie, utilisé comme animal de trait dans les exploitations forestières, n’était pas un animal domestique car il se reproduit sans l’intervention humaine.

Revenons à nos chers Toutous et Matous : « La plus ancienne domestication connue est celle du loup, ancêtre du chien. Elle intervient au cours de la fin des temps glaciaires, dans plusieurs régions de l’Eurasie, il y a 15 000 à 20 000 ans, voire plus. »

« Le chat ne fait son apparition dans la sphère domestique que dix millénaires plus tard, au Proche-Orient, en lien avec la naissance de l’agriculture (− 9500 à − 9000). »

Et c’est tout ? Non… On trouve des traces de domestication aux environs de -8000, au Proche Orient de bovins, d’ovins, de chèvres et de porcs. Apparait l’âne vers -7000 dans la vallée du Nil, puis le cheval au Kazakhstan, le chameau en Asie centrale, le buffle en Inde, puis le vers à soie, la carpe, le canard, le renne, le dindon et la poule, etc… « C’est dans le célèbre site de l’âge du bronze de Ban Non Wat, au centre de la Thaïlande, daté de – 1500 [avant J.C.], qu’ils ont identifié la plus ancienne attestation incontestable de la poule domestique. » Rappelons qu’aujourd’hui, il s’en mange 2000 chaque seconde, soit 65 milliards par an ! Sans oublier les lapins, les truites, saumons et autres abeilles

De quoi faire bondir tous les végétariens bien-pensants et autres végans de la planète ! Revenons un peu à la raison. « La position extrême qui plaide pour un arrêt pur et simple de l’exploitation alimentaire des animaux d’élevage relève certes d’une opinion et d’un choix individuel respectables, mais les connaissances scientifiques montrent qu’elle ne peut en aucun cas entrer en application, sous peine d’aboutir à des résultats inverses de ceux recherchés. Ce serait en effet ignorer que les humains sont des animaux et que leur régime alimentaire omnivore, façonné par des millénaires d’évolution biologique, les contraint à consommer des aliments d’origine animale. »

Attention ! Ne soyons pas trop influencés par les grandes pensées du XVIIIe siècle qui voyaient dans la domestication l’appropriation d’autres êtres vivants dans le but d’en tirer profit et qui étaient à mille lieues de suggérer que les humains soient des animaux.

À l’origine, la domestication est un processus naturel, une sorte de compagnonnage par nature. « On sait aujourd’hui qu’humains et non-humains ont construit, sans préméditation et sans même en être conscients, une relation commune supraspécifique rendue unique dans l’histoire de notre planète par sa dimension culturelle. »

Ainsi, "chasseurs-cueilleurs" et loups se sont-ils rapprochés, probablement, pour bénéficier des talents de chasseur de l’autre. Quant aux chats, apparus en compagnie des humains à partir du moment où ceux-ci s’adonnaient à l’agriculture et au stockage des graines, attirant par la même occasion tous les rongeurs de la région, la question ne se pose même pas. Toute personne ayant été adopté par un chat ne se demande même plus : qui apprivoise qui ?

Bien que j’aie renoncé à écrire une version détaillée, je ne résiste pas à l’envie de citer le cas "Chypre" : « Chypre est une île surgie des fonds marins il y a plusieurs millions d’années, entourée de fosses océaniques de 2 000 à 4 000 m de profondeur. Elle n’a jamais été réunie au continent, et la faune qui la peuplait à la fin du Pléistocène était totalement dépourvue de tout félidé susceptible d’avoir été domestiqué sur place. La distance minimale pour atteindre l’île est de 80 km, une traversée hors de portée des chats, dont on connaît la faible appétence pour la natation. La présence de chats à Chypre il y a 9 000 ans désignait une introduction humaine intentionnelle, précédée d’une capture d’animaux. »

Et « Les premières manifestations d’un rapprochement entre humains et sangliers nous ramènent en Méditerranée orientale, notamment à Chypre. Une vingtaine d’ossements de sanglier ont été trouvés dans un niveau sédimentaire daté de la fin du Paléolithique sur la presqu’île d’Akrotiri, à l’extrémité sud de l’île. Ils sont légèrement antérieurs à − 10 200. Or, comme nous l’avons souligné à propos du chat, Chypre n’a jamais été rattachée au continent et aucun sanglier n’y a vécu avant cette date. Il faut en conclure que les sangliers d’Akrotiri descendaient de bêtes récemment introduites par bateau. […] Quinze à vingt siècles avant le début de la domestication du porc au Proche-Orient, les humains capturaient des sangliers et les contrôlaient le temps d’une traversée maritime d’au moins une journée, probablement plus. »


Je ne sais pas vous, mais quant à moi, je suis bien obligé de revoir la représentation que je me faisais de nos ancêtres humains plus de 10 000 ans avant notre ère (à la fin du Paléolithique !).


J’aurais bien aimé vous parler de l’évolution des loups qui, au contact des humains modifient leur pelage, se mettent à aboyer, acquièrent des muscles faciaux leur permettant de "communiquer" avec les hommes, ou des chats qui apprennent à miauler en fréquentant de nos ancêtres, etc.

Mais la nature humaine étant ce qu’elle est, la dominance, que nous exerçons de façon plus ou moins forte sur nos semblables, est susceptible, lorsqu’elle s’applique aux non-humains, de transformer rapidement nos compagnons domestiques en souffre-douleur ou en esclaves. « Nos capacités d’empathie, uniques au sein des grands singes que nous sommes […] s’appliquent aussi à nos compagnons par nature, pour lesquels elles peuvent venir équilibrer nos tendances à la domination. Parce que nous avons conscience de nos actes, et de leurs dimensions collective et transgénérationnelle, nous sommes en responsabilité, nous humains, de gérer cet équilibre entre dominance et empathie. »


Philou33
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le 8 nov. 2025

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