Compliqué, dur, saisissant d’effroi. Un livre dont on ne ressort pas indemne.
Est-ce que j’ai aimé ma lecture ? Non, clairement pas. Mais pourtant, je sais qu’elle va me marquer longtemps, très longtemps. Ce n’est pas une lecture qu’on apprécie, c’est une lecture qu’on encaisse. On en prend plein la gueule, plein le corps, plein l’estomac.
On suit deux personnages principaux, un homme Tom et une femme Lame, tout deux écorchés, perdus, cabossés par des enfances et des adolescences sans repères, malgré quelques phares autour d’eux. Une construction en miroir : chacun regarde son passé, chacun avance vers l’autre sans le voir. Et quand ils se rencontrent, c’est pour le pire.
Le roman alterne entre passé et présent, avec de nombreuses analepses qui remontent à l’enfance, l’adolescence, jusqu’à l’âge adulte. Une structure que je n’affectionne pas particulièrement, chaque chapitre revenant sur un événement marquant.
J’ai vite laissé tomber les chapitres sur Tom. Trop sombres, trop dégoûtants. Je me suis accrochée à la femme d’aujourd’hui. Lame tente de comprendre, d’avancer, de survivre.
Franchement, ce roman peut te dégoûter d’avoir des enfants. L’auteur y traite le côté le plus sombre de l’addiction : au sexe, au corps, à la nourriture. Par moments, j’ai vraiment eu envie de vomir. C’est une surenchère de mal-être, une boulimie psychique et physique. C’est sale, dérangeant, malsain. Et pourtant… c’est cohérent.
Il y a des passages que j’ai trouvés très puissants, notamment ceux où la femme parle de son métier d’actrice. Elle évoque la mise en abîme, la pression de devoir cacher ses émotions, ses envies de pleurer, l’obligation de jouer un rôle. Elle dit : « rester un corps souffrant ». Et c’est exactement ça. Le lecteur devient spectateur, impuissant, face à une image qui hurle sans bruit.
L’auteur pousse loin l’humiliation du corps féminin : son poids, son odeur, sa sexualité, sa couleur. Le corps est un objet de désir, un trophée, puis un rebut. Il est utilisé, violenté, abandonné. Certains passages m’ont littéralement mise en silence. Brutaux, mais vrais.
L’écriture est à l’image de ce qu’elle raconte : sauvage, nue, brutale, acide. Je n’ai pas aimé, mais ça colle parfaitement avec l’histoire. C’était peut-être nécessaire, en fait.
Et puis, au milieu de tout ça, il y a la relation entre la femme et sa sœur de cœur Genia. Celle qui l’a choisie, soutenue, accompagnée, disputée, retrouvée. Une vraie amitié, avec ses douleurs, ses espoirs déçus, ses maladresses. Une lumière dans le chaos.
Ce roman aborde énormément de sujets : qui est la proie ? qui est le chasseur ? Jusqu’où une obsession peut-elle aller ? Comment expliquer l’horreur ?
Avale est un titre parfaitement choisi. Parce que c’est ce qu’on doit faire en tant que lecteur : avaler cette histoire, l’ingurgiter, s’en remplir le gosier jusqu’à la nausée.
Un livre réservé à un public averti. Il trouvera son lectorat, mais dans une niche, sans doute ces élitistes, cette intelligentsia parisienne moderne (donnant le ton de la ligne de pensée du moment, un petit groupe, décidant de tout pour tous.). En ce qui me concerne, je n’ai pas aimé. Mais je ne suis pas prête de l’oublier.