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Quand on lit de la littérature contemporaine sans s’attendre à grand-chose, et avant tout pour dénicher la bonne surprise, des livres comme Aveu de faiblesses sont encourageants : il est plaisant de penser que qualifier un livre de facile à lire ne signifie pas toujours pauvrement écrit ou qui prend le lecteur pour un abruti.
Aveu de faiblesses retrace l’itinéraire d’Yvan Gourlet, un adolescent paumé dont le mal-être affectif et psychologique est encore accentué par une famille qu’on peut raisonnablement définir comme toxique, à sa manière. Un jour, un enfant du voisinage est assassiné.
L’une des réussites du roman consiste à mettre en place un univers réaliste sans faire dans le réalisme : Montespieux-sur-la-Dourde, où se sont déroulés les faits, n’existe pas, mais pourrait être l’une de ces nombreuses bourgades du Nord de la France perdues entre déclin industriel et zones résidentielles sans âme (couverture réussie de l’édition de poche, soit dit en passant). Le personnage principal, Yvan Gourlet, est un des ces gosses timorés qui mange seul à la cantine de tous les lycées techniques de France, avec dans son sac des outils qu’il n’a pas choisis. (Assez vite et pendant tout le roman, je l’ai imaginé sous les traits de Patrick Dils…) Quant à l’intrigue, elle est d’autant plus vraisemblable que les données de départ en sont simples.
Sans trop la dévoiler, disons qu’elle retrace une erreur judiciaire. De là une autre réussite : le lecteur croit savoir d’avance où il va, si bien que le dénouement, balayant tous les clichés délibérément laissés là jusqu’alors, agit comme la dernière gorgée de fiel au fond d’un verre de gin. Frédéric Viguier a compris que pour réussir un roman policier, il n’est pas nécessaire de faire appel à quelque rebondissement surgi de nulle part, voire au surnaturel : pour qui lit comme on enquête, toutes les données nécessaires à la résolution du crime figurent dans les premières pages, avant l’assassinat.
Sur ce point, il faut noter qu’Aveu de faiblesses aurait été moins efficace écrit à la troisième personne. C’est l’accusé lui-même qui raconte ; or, un incipit comme « Je suis laid, depuis le début. On me dit que je ressemble à ma mère, qu’on a le même nez. Mais ma mère, je la trouve belle. Elle est courageuse, si différente de moi » (p. 7 en « Livre de poche »), ça vous pose un récit et un personnage. Le lecteur sera d’autant plus tenté de croire ce dernier – en y mettant parfois un peu de condescendance ? – quand il formulera avec ses mots ce qui apparaît comme les constantes de beaucoup d’erreurs judiciaires : « Le mot “aveu” ne signifie pas grand-chose pour moi. […] ce que je dis a deux significations : une pour moi et une pour la police » (p. 75) ou encore « j’ai tout avoué, un nouveau mensonge, mais qui semblait convenir aux policiers, un mensonge qu’ils ne me reprocheraient pas » (p. 85).
Comme dans toute bonne littérature, certains passages (absurdes à première vue) se révèlent suffisamment ambigus pour prendre une signification supplémentaire une fois le livre refermé ; ainsi, au cours de son procès, le narrateur est-il abrité derrière « une vitre équipée d’un verre dont la fonction est de me protéger des autres, à la condition que ces autres cherchent à me tirer dessus, mais comme personne ne me tire dessus, je ne suis protégé de rien du tout » (p. 135). Et en définitive il est plutôt plaisant de constater que le roman revient à une caractéristique de base des bons polars : mettre en scène un combat d’intelligences – auteur, narrateur, lecteur, personnages…

Alcofribas
7
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le 7 nov. 2018

Critique lue 394 fois

Alcofribas

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