Critique de Capitalisme, désir et servitude de Frédéric Lordon

Capitalisme, désir et servitude est un ouvrage d'économie/philosophie sur la manière dont le capitalisme capte le consentement de la masse salariale, en particulier des cadres supérieurs (symboliquement du côté du capital même s'ils ne le possèdent pas), en utilisant l'analyse matérialiste de Marx et l'anthropologie de Spinoza.


L'intérêt principal du livre est qu'il permet d'expliquer les hiérarchies à partir des affects des salariés, sans trop tomber dans des jugements de valeur, puisque la condition humaine est décrite de manière universelle. Le salariat est décrit comme une machine à créer le consentement, dont les incitations sont le salaire mais aussi les discours managériaux, qui peuvent cacher une réalité brutale (dépassement de soi individualiste qui empêche de réfléchir sur les structures extérieures et la division du travail, "amour" porté à ses supérieurs hiérarchiques qui incite à tout faire pour ne pas leur déplaire, stress et pression passés d'échelons en échelons vers le bas...). Finalement, être du côté du capitalisme dépend de si on a des affects négatifs ou des affects positifs vis-à-vis de la subordination inhérente au capitalisme, et la solution proposée par l'auteur pour dépasser celui-ci est qu'à force de subir des traitements injustes, les salariés vont se révolter du bas de l'échelle jusqu'en haut (cadres), et proposer des structures plus démocratiques, voire à terme tendre vers une organisation du travail basée sur la raison, qui a plus de valeur quand elle est partagée, plutôt que les passions, dont l'objet ne peut pas être partagé. Au final, cette solution semble tout de même un peu passive, puisqu'elle sous-entend que la seule solution est d'attendre que le capitalisme soit suffisamment odieux (alors qu'en soit le fait que l'auteur dénonce le capitalisme peut être vu comme une autre manière d'inciter à la révolte, donc il parait curieux qu'il n'évoque pas l'effet des discours anti-capitalistes sur les affects des gens par rapport au capitalisme), et manquer au final d'illustration concrète sur ce qu'il y aura après.


Le livre manque d'exemples concrets, à part des anecdotes occasionnelles, ce qui fait que ses idées ne sont pas toujours bien illustrées. La condition de cadre est plutôt bien décrite, mais les affects des employés placés dans des positions plus subalternes auraient pu être approfondis aussi.

MadameTeste
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le 10 nov. 2023

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