Les numéros de page proviennent de ma version au format .epub qui fait en tout 200 pages, pour que vous sachiez à peu près où chercher si vous voulez retrouver un passage.


Bon, déjà, qu'est ce que c'est comme type de livre ? Pas un programme, il s'en défend dans le prologue : "ce n’est ni un essai ni un programme"(p7) le livre est plutôt présenté comme une autobiographie : "En vous racontant d'où je viens, vous comprendrez ce que je cherche" (p9). Sauf que c'est seulement en partie vrai, la majeur partie du livre est un amoncellement de morceaux de discours politiques, entrecroisés donc du récit de la vie de Jordan Bardella. C'est le problème source en fait, dans un livre, le niveau de rhétorique, de poésie, quand on veux faire du lyrisme, de style, de syntaxe attendu est supérieur à celui d'un simple discours politique, une foule ne raisonne pas, un lecteur, en théorie, si.


Certains marqueurs du discours sont omniprésents, le plus important étant le manque de structure. Pour un homme d'extrême droite, une structure aussi anarchique relève de la trahison politique. Il y a bien des chapitres mais l’auteur peut passer complétement en hors sujet quand ça lui chante, dans le chapitre intitulé « 9 juin 2024 » qui relate, à priori, son vécu des élections européennes (mais comme le chapitre précédant alors ??) le 3ème paragraphe est une critique de la façon dont certains hommes politiques de gauche s’habillent, plus loin on enchaine sur ses relations avec Zemmour et comment il a vécu la dernière élection présidentielle. L’esprit de l’écrivain vagabonde aux grés de son humeur du moment. Les moments où il raconte sa vie ne sont pas mieux, c'est pas chronologique, certains passages, comme son vécu de l'élection européenne de 2019, sont racontés à plusieurs endroits du livres.

Un autre marqueur est l'utilisation de punchline. C'est un exercice assez peu pratiqué dans les livres et je dois dire que ça désarçonne de nullité. Dans le prologue par exemple, on a, entre deux paragraphes, la phrase suivante : « A dire vrai, la politique m’a choisi. » puis le paragraphe suivant embraye sur son amour pour le silence. Ca n'a aucun sens.

Le prologue, d’ailleurs, est assez particulier. Il semble avoir été écrit avec soin (à défaut de talent), comme si on s’attendait à ce que ce passage soit le plus lu. Bien sûr, c’est normal qu’un prologue soit soigné, mais on dirait qu’il a été écrit pour impressionner, pour faire intello, il y énormément d’énumération pour pouvoir utiliser le plus de lexique possible. Ca fait très amateur mais un public non avertie et à moitié analphabète pourrait bien se faire avoir. On force aussi l’utilisation d’éléments culturels comme ce paragraphe que j’adore : « J’ai vécu des choses violentes. Rien ne fut simple. Sans cesse, je gravissais la montagne. Comme Sisyphe, son rocher » plus parachutée comme référence tu meurs. Là encore, c’est une phrase choc qui, rhétoriquement, n’a aucun intérêt (c’est cependant un prologue donc c’est à moitié excusé) et stylistiquement, c'est risible.

Concernant le contenu, ben c'est du niveau d'un meeting du RN, donc des accusations, des éloges peut être encore moins fondées que les accusations et des sophismes à la pelle. Certains passages sont simplement factuels, des faits d'actualité d'il y a 10 ans sont récités, d'autres des phrases bateau, utilisées d'ordinaire pour combler les trous d'un discours trop long, parfois encore on a des citations sans intérêt, pas maitrisés, qui ne sont là que pour étaler une culture qui en deviens homéopathique.


« J’entends déjà mes détracteurs. Ils jugeront ce livre « médiocre », « indigent » et « sans intérêt ». Ils sont si prévisibles que je pourrais vous dire leurs réactions par avance. » (p197) Beaucoup de collégiens ont dépassés ce genre d’immaturité.


Concernant l'écriture il n'y a pas grand chose à dire, les quelques tentatives sont ultra maladroites et tentent de forcer un lyrisme gênant, balourd, a coup de joli vocabulaire. C'est vraiment juste ça, mettre des mots compliqués pour donner l'illusion.


Pour les morceaux autobiographiques, c'est vraiment nous prendre pour des crétins que de croire qu'on va gober tous ça. Déjà, Bardella semble complexer pour sa petite licence, il y a clairement de la manipulation de la vérité pour paraitre plus brillant qu’il ne l’est, c’est visible sur la partie concernant son parcours post-bac. Il écrit : « Le bon élève que j’étais a pourtant lamentablement raté le concours d’entré à Science Po. J’avais fais l’impasse sur les fameuses prépas, trop chères » (p90) pourtant, une hypokhägne, khâgne, c’est vraiment pas chère car public et ça prépare très bien au concours science po. Encore plus étonnant, dans le paragraphe suivant, il se plaint de ne pas avoir les moyens d’intégrer, après avoir réussi leur concours d’entrée, l’Institut libre des relations internationales et des sciences politiques, école pourtant privée et pas vraiment prestigieuse. Quand on a fait l’impasse sur des prépas à cause de frais de 200 euros annuel, on ne passe pas des concours pour des écoles à 10 000 euros l’année (https://www.ileri.fr/programme/msc-1-relations-internationales). Globalement, Bardella se plaint beaucoup de sa feu précarité alors qu’il a fréquenté un lycée privé catholique payé par son père, un patron de PME chez qui Bardella passe ses week-end dans un quartier aisé (https://www.lemonde.fr/m-le-mag/article/2024/06/02/l-enfance-de-jordan-bardella-a-saint-denis-du-mythe-a-la-realite_6236866_4500055.html). Il y a plein d’autres passages comme ça qui puent le mensonge voire la création de toute pièce sans que ce soit vérifiable comme ce dialogue qu’il aurait eu avec un dealer alors qu’il collait des affiches :

« Tu distribues pour qui ?

-Marine Le Pen.

-T’es plutôt courageux de venir ici. Elle ou un autre, ça changera rien…

-C’est quoi ton avenir ? Tu ne vas quand même pas dealer toute ta vie ?

-J’en sais rien… Si ça devient trop chiant, j’irai peut-être en Syrie. Mes potes sont parties là bas… » (p97)

Même les dealers le respectent et lui ouvrent leur cœur, cet homme est incroyable. Certes, je ne peux pas vérifier mes dires mais je suis à peu près certains que cette conversation n’a jamais eu lieu. Il y a du mensonge mais aussi de la bêtise pur et simple ; on notera par exemple que « Le militantisme idéologique […] n’a aucun intérêt artistique » (p144) en parlant de la cérémonie d’ouverture des JO 2024. Comment peut-on se prétendre lecteur de Victor Hugo et pondre une connerie pareille ?? Soit il est tellement influencé par la narration du FN qu’il la confond avec les lois de la nature, soit il est bête, soit les deux. Le pire, c’est que la page suivante, il vante les spectacles du Puy-du-Fou pourtant vivement critiqué pour leur réécriture de la guerre de Vendée et leur penchant royaliste (https://theconversation.com/le-puy-du-fou-sous-le-divertissement-un-combat-culturel-113888)


Bardella est une arme de communication et uniquement une arme de communication visant à appâter la droite, De Gaulle est d’ailleurs abondement cité. Mais il a un défaut ; il est débile. Complément d’enquête dépeint « une coquille vide » qui ne lit pas, ne s’informe pas. Ce livre est donc une façon de tromper les gens de droite car écrire un livre, c’est quelque chose que les intellectuels font. Le hic c’est si les gens commencent à lire le livre, et là oui, une coquille vide, un livre vide, soit il raconte son narratif (ouin ouin méchants immigrés dans mon beau pays. Ah et je suis pauvre aussi), soit il recycle des discours politiques usés. Il n’y a aucune piste de réflexion, aucun argument, rien, même d’un point de vue du document historique c’est une daube puisqu’il ne raconte pas sa vie mais son narratif, impossible de démêler le vrai du faux. Le type est un panneau publicitaire criard, une façade, un coup de peinture ostentatoire. N'allez pas croire que les mauvaises notes de ce livre ne sont dû qu’à la mauvaise foi de gauchistes revanchards, le livre mérite cette note. C'est de loin le pire livre que j'ai lu de ma vie sur l'intégralité des critères sur lesquels je les évaluent.


Bardella a dû faire quelque chose qu’il n’avait jamais fait, un exercice inédit, autre chose que de la communication ; écrire un livre. Comment il a géré ça ? en faisant de la communication… mais dans un livre. On peut, dès lors, imaginer comment il gouvernera un pays.

Laegion
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le 14 janv. 2025

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