Après Le Feu et La Peur, voici le troisième roman que je lis sur la Grande Guerre. Ceux de 14, dans sa version de 1949, est une réécriture plus concise réalisée par Genevoix à partir de ses cinq cahiers déjà publiés. Encore une fois, il s’agit d’un témoignage authentique, celui d’un homme qui a réellement vécu la guerre, et non d’un fantasme ou d’une reconstitution à posteriori. Ce livre est d’ailleurs considéré par Jean Norton Cru, spécialiste du réalisme dans la littérature de guerre, comme l’un des plus fidèles à la réalité du front.
Ici, on ne suit pas un simple poilu ou un agent de liaison, mais un officier. Un officier, certes, mais présent sur le terrain, pas planqué à l’arrière. Ce n’est pas une critique de la guerre ou des institutions, mais une plongée sensorielle dans ce que cela signifie de vivre la guerre dans sa chair. Une immersion brute, sans filtre, dans le quotidien d’un soldat.
Le début est intense : on n’est pas encore dans la guerre de tranchées, et les combats sont meurtriers. Puis viennent les tranchées, l’installation, l’ennui, cette guerre de position où l’on alterne entre le front et l’arrière comme dans un manège sans fin. Les obus et les balles tuent par accident, et cette routine compose la majeure partie du livre. Le dernier cahier, en contraste brutal, nous plonge dans l’attaque : la violence, la boucherie, les corps ensevelis, déchiquetés, les balles qui fauchent. Le temps s’étire, et par cet effet, Genevoix nous fait ressentir l’absurdité de la guerre. On devient résigné, on perd son humanité pour pouvoir continuer à se battre.
Ce n’est que vers la fin, et très brièvement sur une dizaine de pages, qu’apparaît une forme de rancœur envers les armées de l’arrière, les gendarmes qui surveillent les soldats pour éviter l’ivresse. Mais cette critique est aussitôt nuancée, comme si elle relevait plus d’une fragilité passagère que d’un véritable ressentiment. En tant qu’officier, Genevoix doit rester fort, montrer l’exemple. On comprend que ce n’est pas le propos du livre : il veut raconter le vécu des soldats, au plus près, sans digressions.
Au final, Ceux de 14 est un très bon roman de guerre, mais à mon sens en dessous de La Peur. Il ne couvre que la période jusqu’en 1915, sans évoquer la vie à l’arrière, les hôpitaux, etc. C’est donc une œuvre moins globale pour ceux qui cherchent une vision exhaustive du conflit. Une immersion réaliste, oui, mais qui manque d’envergure. Cela dit, le style est remarquable, bien au-dessus de la majorité des récits de guerre. À conseiller à ceux qui veulent une expérience brute, centrée sur le vécu des soldats plus que sur la guerre en tant que phénomène historique.
Pour l’instant, mon classement reste :
1. La Peur
2. À l’Ouest, rien de nouveau
3. Ceux de 14
4. Le Feu