J'ai eu beaucoup de difficultés à lire ce livre en raison du fait qu'il aiguille assez peu le lecteur, un peu comme dans la vraie vie, on est lâché en simple observateur et c'est à nous de faire nos propres conclusions, dans un environnement où les menteurs et les motivations de chaque personnage ne nous sont finalement révélés qu'à la fin.

Ce livre, je le relirais car c'est un livre qui je penses dois ce lire à plusieurs étapes de la vie mais peut être pas nécessairement à l'âge mûr.

Que dire de Raskolnikov, personnage insignifiant, bizarre et antipathique auquel on finit progressivement par se reconnaître en dépit de son crime. Ce roman traite des âmes des hommes et des femmes perdus dans la grande ville ("Peter" dans le livre). Raskolnikov qui s'enferme sur lui même dans sa misérable et minuscule chambre, où il s’apitoie sur son sort, sur sa médiocrité, les idées négatives peuplent progressivement son univers glauque dépressif et étriqué d'étudiant raté. Je me suis reconnu dans ces crises. Il se replie petit à petit sur lui même pour finalement chercher la délivrance. Son raisonnement malade l'amène à penser et c'est vrai que ça ne vole pas haut "Un assassin tue un homme, un conquérant un millier", il finit par penser qu'il peut dépasser sa condition en s'octroyant le pouvoir d'un dieu : être au dessus de la loi, tuer une petite vieille que tout le monde déteste pour récupérer son argent. Il hésitera longtemps avant de céder mais finalement presque par accident presque "trop facilement" il y parvint. La seconde partie du roman porte sur la rédemption du meurtrier car une fois le mal fait, il ne parvint plus à se le justifier : il finira par se rendre à la police.

ça peut paraître bête dit comme ça mais Dostoievski nous livre un portrait psychologique au scalpel, très dynamique de ses personnages. J'ai lu un nombre incroyable de leçon de vie et de reflexions vraiment très interessante.

La quête de libération de Raskolnikov s'accompagne de personnages pitoresques.

Loujine, l'homme d'affaire aux allures affables qui est en fait un escroc de la pire espèce. J'ai trouvé tout simplement magnifique la force et la clairvoyance de Raskolnikov dans un denument extrême chasser ce (faux) bienfaiteur providentiel envers et contre sa propre famille, je crois que j'ai même pleurer tellement c'était beau.

Katerina Ivanovna la phtisique dont la souffrance physique spectaculaire et le théâtral désespoir donne une représentation symétrique par le corps de la souffrance mental perpétuelle des personnages du roman.

Semionovitch, un autre escroc de grand chemin mais de la campagne venu se réfugier à Saint Petersbourg. La mort de ce personnage m'a bouleversé : comment vivre quand on a toujours tout eu au crochet des autres? C'est aussi l'histoire de l’esthète, le Don Juan russe, cet homme qui une fois une femme conquise s'enquit aussitôt pour une autre. (Il vit au crochet des femmes qu'il séduit) Si bien qu'à l'âge mûr il finit par se poser la question de ce que serait son existence si il avait été fidèle et loyal, si il décidait de s'attacher à une vie rangée. Il songe à fuir aux états-unis. Puis finalement il réalise qu'il ne peut plus continuer à mener une telle vie. Il réalise le vide de son existence sans amour, sans engagement, sans sacrifice, sans renoncement. Et conscient qu'il ne peut être autre chose qu'un vampire et qu'il n'a jamais été autre chose : se suicide.

Petrovitch est le juge chargé de retrouver le meurtrier de la vieille, bien qu'il sache pertinemment que c'est Raskolnikov, il laisser l'assassin en venir seul à la conclusion qu'il doit se rendre à la police de lui même. Disons que ce genre de personnage est assez fréquent dans les séries télés ou les thrillers policiers alors bon je n'ai rien trouvé de spécial à ce personnage, peut être cependant un des seuls qui mette en relief la fragilité de Raskolnikov qui parait toujours psychologiquement invincible en dépit de sa nature chaotique.

Razoumikhine : mon personnage préféré ! Un personnage assez incompréhensible pour un occidental c'est peut être ça qu'ils appellent l'esprit russe. Je veux dire par là que ce type est un ami dévoué corps et âme à son ami Raskolnikov. Il ne le lâche pas d'une semelle. Il lui reste fidèle même au delà du goulag, et lui rend un nombre incroyable de services de façon totalement gratuite honnête et désintéressée juste parce que c'est son ami et malgré l'incroyable et outrancière ingratitude de ce dernier.
Un personnage intrinsèquement bienveillant qui a foi en un dénouement heureux pour lui, pour son ami et pour sa famille. L'histoire lui donnera d'ailleurs raison. C'est aussi un idiot, qui est abusé par Raskolnikov lui même mais aussi par Loujine mais la force de Razoumikhine, son incorrigible optimisme lui permette malgré tout de surmonter toutes ces fourberies.

L'histoire d'amour avec Sofia est aussi d'une grande force pour moi. Raskolnikov chercher à racheter son crime par des actes de bonté gratuit, dont l'un qu'il dirige vers Sonia qui en dépit de sa condition est croyante. Rodion s'amuse alors à la tourmenter car il se considère damné et ne croit pas qu'une femme aussi misérable puisse croire en sa rédemption. Mais contre toute attente, Sofia croit en Dieu mais aussi en ce que Rodia lui même puisse retrouver la paix. Elle le suivra jusqu'au goulag où dans un retournement de situation inattendu, Rodia se decouvrira finalement des sentiments sincères pour Sofia et pour l'avenir desormais blanc qui l'attend. Mais c'est une autre histoire.

Le livre fourmille de 1000 petits détails qui seraient impossible à synthétiser. On ressort de ce livre magnifique avec une certitude : la force vient à bout de tout. Et le bonheur se paye au prix de la souffrance. La délivrance au prix du châtiment. Tout autre croyance est un leurre. Plusieurs raccourcis ou solutions sont offertes à Rodia mais au final c'est la plus difficile, la vérité, l’épreuve du goulag, la vertu et la droiture qui en font un homme nouveau.

Une grande leçon de vie.
Citron_Bleu
10
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le 14 févr. 2014

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Citron Bleu

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