Première lecture de Bernard-Marie Koltès avec son très court Dans la solitude des champs de coton, qui ne fait qu’une cinquantaine de pages. J’ai pourtant eu du mal à me plonger dedans, ce qui est d’autant plus surprenant que la plume est magnifique.

Cette pièce de théâtre minimaliste, à mi-chemin entre la poésie, le théâtre de l’absurde, le grand roman français et la philosophie propose une forme relativement surprenante où deux protagonistes, l’un dealer l’autre acheteur échangent de longues répliques, souvent brumeuses et mystérieuses, où le côté dialogué ne se perd jamais mais où les mots sont pris comme faisant partis de longues constructions.


C’est vraiment un exercice surprenant puisque là où l’on pourrait s’attendre à un dialogue presque sauvage, c’est bien au contraire une forme de respect de la langue qui s’installe mais derrière lequel on voit un possible danger, une agressivité évidente en réalité. Les personnages parlent longuement pour offrir leurs positions sur la morale, sur les liens entre humains et la distinction avec les animaux.

C’est la différence propre de l’humain qui est interrogé : son rapport à autrui, vu comme un rapport marchand avant tout. Rapport marchand qui amène la question du désir, plus que de la loi, vue comme secondaire et comme illusoire.

Dans une langue belle et maîtrisée, avec un réel génie de l’écriture, Koltès nous offre à réfléchir par nous-mêmes sur les positions que les protagonistes embrassent et derrière le simple lieu de l’échange, il se joue un drame aussi bien pour les personnages, qui à tout moment peuvent s’entre-tuer, que pour l’humanité toute entière qui se révèle finalement comme de plus en plus bestiale à mesure que les belles tournures de phrases tentent de cacher la violence de l’arrière-plan.


Brève mais subtile, cette pièce révèle une intelligence réelle de l’écriture.

mavhoc
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le 10 juil. 2023

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