Wittgenstein a la réputation d'être un philosophe très ardu à comprendre, j'en veux pour preuve tous les commentaires que j'ai lus à propos de son Tractatus, que je n'ai même pas encore ouvert. Mais si je me fie sur les commentaires de ceux qui l'ont lu, est-ce que je possède pour autant la certitude que le Tractatus est un ouvrage ardu à comprendre, comme son auteur ? Ce genre de questionnement épistémologique est le thème de ce bouquin, "de la certitude", publié deux jours avant la mort du Teuton curieux.


Pour un auteur réputé difficile à apprivoiser, j'ai trouvé Wittgenstein et son de la certitude très clair et précis, et même agréable à lire pour un essai de philosophie ! La question de la production de savoir m'a toujours intéressé, par conséquent j'ai trouvé mon bonheur avec ces lignes.


Si Descartes poussait loin le doute, jusqu'à aboutir à son sujet qui pense (le cogito), Wittgenstein pousse encore plus loin en indiquant que le langage présuppose le doute. En effet, dans "Je pense donc je suis", qu'est-ce qui indique que "je" signifie je ? Que "pense" signifie pense, etc. Il remonte tellement loin dans le fleuve de la réflexion qu'il en vient même à questionner la quiddité d'un mot, et moi je trouve ça fort, même on pourrait définir cette démarche comme un besoin de se compliquer la vie.


Car oui, après tout, on se comprend quand on se parle, on sait que les autres savent que je veut dire je, et cela convient à tout le monde, mais est-ce pour autant impertinent de réfléchir aux origines des mots (sans parler d'étymologie), au rapport épistémologique de chacun ? Moi je trouve ça passionnant, car ça remet absolument toute l'interactivité humaine en question.


Mais là où Wittgenstein est fort, c'est qu'il va se moquer de ceux qui ne font que douter, notamment en prenant exemple sur un gars qui ouvre un tiroir précis pour voir si un objet y est, constate que l'objet n'y est pas, puis le rouvre encore et encore pour bien s'assurer que l'objet n'y est pas. Douter sans cesse nous met dans cette position, celle d'un gars qui se perd dans une démarche vide de sens à cause d'une négation contreproductive du réel.


L'ouvrage fourmille d'exemples comme celui-ci, traitant de l'expérience empirique, de la sensation physique, du doute toujours plus poussé (comment être sûr que des extraterrestres ne viennent pas chez moi chaque nuit quand je dors pour m'enlever avant de me remettre dans mon lit quand je me réveille ?), et de questionnements épistémologiques vraiment passionnants, même si vains, pour quelqu'un qui qui passe son temps à s'interroger sur la nature des humains.


Accessible, marquant (pas un jour sans que j'y pense), court et agréable à lire. Aucune raison pour l'esquiver.

Ubuesque_jarapaf
8

Créée

le 22 déc. 2022

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