Ce petit livre rassemble deux textes de Emma Goldman qui surprennent par leur lucidité : "La tragédie de l'émancipation féminine" (The Tragedy of Woman's Emancipation) qui fut publié en 1906 et "Le droit de vote des femmes" (Woman Suffrage), paru en 1910.
Emma Goldman, pour ceux qui savent un peu de qui il s'agit, était particulièrement bien placée pour parler de liberté, elle y consacra l'essentiel de sa vie avec des prises de risque que bien peu sont en mesure d'imaginer aujourd'hui. Il y a donc plus d'un siècle, elle posait quelques questions fondamentales aux féministes de son temps; questions qui restent encore en suspens aujourd'hui sous bien des angles et à propos desquelles nos contemporaines auraient tout intérêt à prêter oreille si elles trouvent encore des raisons d'insatisfaction liées à leur condition.
Elle ne pensait pas, par exemple, qu'il puisse y avoir de véritable libération des femmes dans une société demeurant sous domination capitaliste; que dans une telle forme sociétale, se "libérer" ne pouvait être qu'un leurre, une illusion, et que seul le capitalisme lui-même en sortirait renforcé.
De même, elle n'espérait rien du droit de vote accordé aux femmes à l'intérieur de la pseudo-démocratie représentative, étant certaine que cela ne ferait que reproduire les mêmes effets déjà constatés chez les hommes. Avec la perpétuation des logiques hiérarchiques et la confiscation du pouvoir par des oligarchies. Les faits lui ont bien sûr entièrement donné raison.
Extraits :
"Le problème que nous avons aujourd'hui, et qu'il faudra résoudre demain, est de savoir comment être soi-même, tout en étant uni aux autres, comment se sentir profondément lié aux autres, tout en affirmant ses propres qualités individuelles."
"Je soutiens que l'émancipation des femmes, telle qu'elle est comprise et telle qu'elle s'applique aujourd'hui, n'a pas permis d'atteindre ce but. Dès lors, si les femmes désirent vraiment être libres, elles sont confrontées à la nécessité de s'émanciper de ce mouvement d'émancipation."
"La corruption de la politique n'a rien à voir avec la morale ou avec le manque de morale des politiciens. La politique est d'abord le reflet d'un monde économique dont les devises sont : "Il faut mieux prendre que donner"; "Achète à bas prix et revends le plus cher possible !"; 'L'union corrompue fait la force".
"Le grand mouvement d'une véritable émancipation n'a pas trouvé de femmes assez fortes pour regarder la liberté en face."
"L'explication d'une telle incohérence de la part de beaucoup de femmes émancipées réside dans le fait qu'elles n'ont jamais vraiment compris le sens de cette émancipation. Elles ont pensé qu'il suffisait de se libérer des dominations extérieures; sans prêter attention aussi aux dominations intérieures; (...) et assurément, ces dominations intérieures ont pris leurs aises."
"Il va falloir abandonner l'idée absurde du dualisme entre les sexes, selon laquelle l'homme et la femme appartiennent à deux mondes opposés."
"Puisque le plus grand malheur des femmes a été d'être considérées ou bien comme des anges ou bien comme des démons, leur véritable salut réside dans le fait de les faire revenir sur terre, c'est à dire de les considérer simplement comme des êtres humains et par conséquent comme sujettes à toutes les folies et les erreurs humaines."

steka
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le 2 févr. 2022

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