En terminant la dernière page de ce pavé de 750 pages je n'ai ressenti ni joie ni accomplissement, aucune émotion, juste une profonde impression d'avoir perdu mon temps. J'espérais à la fin du tome 1 que Joe Abercrombie avait quelque chose à raconter, avec ce tome 2 j'en viens à la conclusion qu'il n'a en réalité rien à dire. C'est d'un vide abyssal.


C'est un roman rempli de rien, on se croirait dans l'espace. Arrivé à la fin, la situation des personnages et les conflits en cours n'ont quasiment pas évolué d'un iota. On pourrait facilement raconter tout ce livre en 250-300 pages, et s'il ne raconterait toujours rien, au moins n'aurait-il pas la prétention d'être une aventure épique au long souffle.
Il n'y a pas de propos, pas de sujet, pas de message dans ce roman, dans cette trilogie. C'est un fac-similé de fantasy. Guerre, quête de héros, artefact magique, voyage à travers le monde : c'est d'un classicisme terrible.


Je ne comprends pas les critiques, les notes, sur senscritique, et ailleurs. Mais qu'est-ce que vous aimez là-dedans ? Quelles sont vos lectures ? C'est profondément mal écrit ! Des portions entières de chapitre sont dialoguées, sans qu'Abercrombie ne se donne la peine de nous expliquer où nous sommes, ce que font les personnages. On est au théâtre, au cinéma ? C'est un roman, pas un script ! Il faut attendre 1200 pages (en commençant par la 1ère page du tome 1) pour avoir droit à une description des vilains monstres qui attaquent les humains. Qu'est-ce que c'est que ce délire ? Il faut attendre environ 850 pages pour que le groupe de baroudeurs du Nord (qui comptent parmi les personnages principaux) nous soient détaillés. Pardon ? Mais. Vraiment ? Mais pourquoi ? Ce genre de choix me met en rogne. D'accord il manque une oreille à Dow Le Sombre... n'aurait-il pas été pertinent de relever ce "détail" à sa première apparition ? Je trouve ça sidérant.


Et la fameuse quête des héros là, ce voyage interminable à travers des plaines rases, infinies, comment pouvez-vous y croire ? L'instigateur de la quête ne prend pas la peine d'expliquer le but de leur voyage aux personnages qui l'accompagnent. Mais comment pouvez-vous trouver ça crédible ? Qui sont ces débiles profonds qui acceptent de traverser la moitié du monde avec des gens qu'ils haïssent, pour des raisons qu'ils ignorent et avec un danger certain ? C'est juste que monsieur Abercrombie est un tâcheron qui manque de confiance dans son intrigue, qui sait qu'elle est creuse, et qui cache donc tout pour tenir le lecteur par le bout du nez : "vous verrez, j'vous jure, en fait l'histoire est trop bien, quand les révélations vont tomber vous allez être ébahi !". Mais en fait rien du tout ! Il est bien obligé, petit à petit, en cours de route, de révéler des éléments. Des éléments de la genèse de son monde, de la quête poursuivie par les personnages, du conflit en cours. Et c'est zéro. J'ai trouvé ces quelques rares passages d'exposition totalement ratés. J'ai l'impression d'avoir regardé un magicien faire mille mouvements ostentatoires pour finalement se résoudre à faire son tour : un tour de passe-passe bidon, déjà vu, enfantin. C'est mauvais.


Pourtant ce tome est meilleur que le premier. Au moins ce tome 2 donne-t-il des bribes d'informations, des descriptions nécessaires, se permet-il d'être un peu plus "action", un peu plus violent. Il s'autorise même, enfin, à la réalisation (très maladroite) que le sexe existe. À mes yeux c'est le même tome que le précédent avec un peu plus de courage et de bon sens de la part de l'auteur. Seulement, c'est trop tard, ces centaines de pages à la fois médiocres et vaguement accrocheuses m'ont fatiguées.


J'ai par contre plutôt apprécié la partie de Glotka, envoyé défendre le siège d'une cité perdu d'avance dans une ambiance de Djihad et de complotisme. Mais comme pour le reste, ça fini en queue de poisson : tout y aura été inutile. Ces centaines de pages à défendre la cité pourraient être intégralement supprimées du roman sans que rien ne change. Un seul élément important pour la suite s'y déclenche.


D'ailleurs, je vais résumer les quelques changements et informations clés apportés par les 750 pages de ce roman. Attention, ça va aller très très vite :


Bayaz et ses potes traversent un continent pour trouver un MacGuffin magique. Ils échouent.
Le prince héritier meurt. Les méchants barbares se sont alliés à des monstres. Guerre au point mort.
L'Union perd la ville de Dagoska. Glotka se retrouve endetté.
Dans la capitale de l'Union, l'autre prince héritier (qu'on n'a entre-aperçu qu'une fois dans le tome 1) se fait assassiner. Prémisse pour le tome 3 où, on le sent, Jezal sera destiné à monter sur le trône. Voilà, c'est tout.


Au-delà de ces considérations scénaristiques, Abercrombie est simplement un mauvais conteur. Il ne sait pas raconter une scène. C'est toujours flou, imprécis. Il échoue à faire naître chez moi une image mentale. Que ce soient ses scènes de batailles (franchement aberrantes, en plus), la géographie du monde, la topologie des lieux où évoluent les personnages, l'architecture, les vêtements : on n'y comprend rien.


Et pour ne pas seulement m'en prendre à Joe Abercrombie, petite note sur la traduction (par Brigitte Mariot) : c'est mauvais. Du moins, je pense que cela vient de la traduction, mais je peux me tromper. Dans ce roman les personnages ne cessent de "ramper", mais l'on comprend bien vite au vu du contexte et du reste des actions décrites que, non, les personnages ne "rampent" pas. Pour Mariot/Abercrombie, ramper signifie "se déplacer furtivement". C'est ahurissant. Ce n'est qu'un exemple parmi d'autres, nombreux, qui ont grandement participé à mon exaspération. Un autre exemple : mourir, dans cet univers, peut se dire "retourner à la boue". Pourquoi pas. Mais aussi "se faire descendre"... On est dans un western maintenant ? J'avais déjà noté des anachronismes et erreurs pareilles dans le tome 1, ça continu bravement dans la bêtise dans ce tome-ci.


Je pensais me faire la trilogie pour me faire une idée de ce "bijou de la dark fantasy", mais je crois bien que ces deux premiers tomes m'ont convaincu de ne pas aller plus loin. Je vais m'attaquer au Livre des Martyrs de Steven Erikson, au cas où, et puis attendre les prochains romans de Stefan Platteau et Jean-Philippe Jaworski, et je crois que ça sera à peu près tout pour la fantasy, désormais.

Pirlouit
4
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Lectures (2021)

Créée

le 24 avr. 2021

Critique lue 158 fois

1 j'aime

Pirlouit

Écrit par

Critique lue 158 fois

1

D'autres avis sur Déraison et Sentiments - La première Loi, tome 2

Déraison et Sentiments - La première Loi, tome 2
alb
9

Un tome pour rien ? (à part le plaisir de la lecture)

Ca faisait bien longtemps que je n'avais pas eu l'envie de continuer ma lecture hors de ma traditionnelle séquence transports en commun. Du coup pour une fois j'ai envie d'en parler, quitte à spoiler...

Par

le 16 déc. 2013

2 j'aime

Du même critique

Fight Club 2
Pirlouit
2

Son nom est Fight Club... ?

Ce "roman graphique" est une trahison au roman et au film. À ne lire sous aucun prétexte. Palahniuk a saboté son propre chef d'oeuvre. Ça commence pas mal... même si dès les premières cases le héros...

le 1 oct. 2016

14 j'aime

1

Les Jardins de la lune
Pirlouit
7

Un roman de devinettes

C'est très certainement un des romans de fantasy les plus étranges que j'ai pu lire jusqu'ici. L'auteur annonce un peu pompeusement dans sa préface qu'il n'y aurait pas d'entre deux possibles : soit...

le 2 mai 2021

6 j'aime

3

Manesh
Pirlouit
7

Pas loin du désastre

Avec ce roman on passe à deux doigts d'un échec total. Quand j'y pense, c'est un miracle : un récit de fantasy sans la moindre scène d'action, conté dans un style maîtrisé mais parfois tellement...

le 22 avr. 2018

5 j'aime

1