Étienne de La Boétie est un jeune homme de 16 ou 18 ans quand il écrit cet essai, il sera publié entièrement après sa mort.
La Boétie s’interroge sur la raison profonde qui force les peuples à se remettre entièrement à un tyran, à donner consciemment leur liberté contre une vie de servitude. Il tente de nous dire que les animaux eux-mêmes ne vivent pas bien la servitude, qu’ils nous le rappellent. Que seuls une poignée d’animaux s’y habitue. Il prend l’exemple des chevaux fiers d’êtres parés ainsi, réduits à l’esclavage par l’homme.


Il semble trop tôt dans l’Histoire pour parler de mythe de l’État de Nature, mais ce que nous dit La Boétie c’est que l’homme avant d’être sous le joug d’un tyran est libre. Il nous dit que l’homme avant cette condition de servitude est indépendant et libre. Il ne va pas plus loin dans cette réflexion, mais nous pouvons imaginer qu’un État préexistant à la servitude existe dans l’esprit de La Boétie, mais pas forcément comme le mythe de Rousseau.


Bien entendu, le seul tyran ne pourrait faire appliquer sa loi à tout le peuple par sa seule force, il a besoin de bras. C’est de cette manière que se constitue une société pyramidale qui repose sur des privilèges, des avantages pour garder ces gens loyaux. Le tyran va avoir quelques ministres qui vont eux-mêmes avoir des gens autour d’eux et ainsi de suite jusqu’à arriver à une force conséquente. Ces forces ne reposant que sur l’intérêt pécuniaire, le tyran ne pourra jamais être entouré d’ami et ne pourra jamais faire confiance à quiconque.


Il pousse à la réflexion sur le consentement que l’on a à donner notre pouvoir politique, au sens d’administration de la cité, à des personnes qui ne le méritent pas forcément. Mais finalement qu’est-ce que donner sa liberté ?


La Boétie prend l’image caricaturale d’un despote qui prend les jeunes filles, envoi les fils à la guerre et tue les parents sous l’impôt. À partir de cette image, il en fait découler un argumentaire qui montre que le peuple ne devrait pas s’en remettre à ce genre de personne. Mais nous pouvons imaginer que la liberté fait peur. En effet, être libre c’est être indépendant, c’est ne dépendre de personne, devoir s’occuper de tout, tout seul. La liberté peut être effrayante pour certains. Et je vous renvoie à la fable du chien et du loup là-dessus.


Mais ce qui m’a le plus intéressé c’est la manière dont il décrit le pouvoir et l’organisation qui se fait autour. La manière dont des personnes vont profiter du pouvoir du dominant pour tirer la couverture à eux. C’est pour cela qu’un tyran peut rester des années durant au pouvoir, parce que le fait qu’il soit au pouvoir permet à d’autres d’en tirer quelque chose, des revenus, du pouvoir politique, des privilèges. Et que ces ministres vont en faire profiter d’autres personnes, tout cela jusqu’à la base de la pyramide. C’est de cette manière que des personnes vont collaborer au pouvoir sans vraiment partager les idéaux du tyran. Mais ils vont être sûrs de ne pas être trop lésés par le pouvoir de celui-ci en faisant partie de sa cour.


Ce livre est aussi présenté comme étant humaniste, nous sommes en effet dans la bonne période. L’introduction qui démarre sur l’Odyssée et Ulysse ne peut que nous faire penser aux humanistes. Il nous parle aussi de Thémistocle, de Léonide. C’est un condensé de culture helléno-latine qu’il nous livre.


C’est un texte plaisant et particulier puisque c’est un questionnement sur le pouvoir et la manière dont les gens normaux se soumettent à lui. L’auteur, en pleine jeunesse, ne comprend pas pourquoi l’on refuse la liberté pour se laisser dominer par un monarque. Et c’est en cela que c’est plaisant de le lire puisque c’est une critique, un peu naïve, mais qui pousse à réfléchir sur la manière dont les peuples tolèrent des dirigeants qui ne leur sont pas forcément bons. Et surtout sur la manière dont les peuples peuvent un peu trop facilement léguer leur liberté au premier « héros » venu.

Créée

le 26 juin 2020

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Franc_cot

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