J'ai beaucoup aimé le premier tome, au point de le relire deux fois de suite - ce qui ne m'arrive jamais sur un temps aussi court (et je relis rarement deux fois un même bouquin, ou alors il faut vraiment que je l'ai apprécié énormément).


Le second tome est passé un peu moins bien, l'abondance de (quasi-)monologues des deux mêmes personnages (Alice et Lawrence) étant pour moi un peu indigestes. Rajoutons à cela les monologues de Shéhérazade, dans un argot s'étalant sur plusieurs pages (certains y voient une magnifique composition poétique - ce n'est pas mon cas, et je me le représente comme artificiel, n'y reconnaissant pas vraiment l'argot à la PNL, JUL, Niska, etc. que j'aime bien écouter).


Le premier tome m'avait bien accroché, à la fois parce que je trouve l'écriture de Vaquette parfaitement maîtrisée au point que les phrases ultra-longues coulent toutes seules, à la fois parce qu'on y rencontrait une grande diversité de personnages à la psychologie et à la trajectoire sociale différentes. Parfois aussi la forme du texte changeait (monologues, dialogues, article d'analyse...), tout ça assurant un bon dynamisme de la lecture.
Ce second tome décrit beaucoup moins de personnages car principalement axé autour de l'histoire d'amour entre Alice et Lawrence, ce qui fait que la forme du texte, tout au long des 500 pages, est sensiblement identique et je me suis surpris parfois à soupirer d'agacement à l'entame d'un nouveau chapitre de 20 pages.


L'écriture de Vaquette étant très rationnelle (un "recul d'entomologiste", comme le dit une autre critique), je me rends compte que j'éprouve finalement assez peu d'empathie pour les personnages, peut-être parce que l'auteur déploie toute son énergie à nous démontrer les choses plutôt qu'à nous les faire ressentir et que dans ce tome 2 on a moins de diversité de points de vue, de forme ou de traits d'humour pour assurer un dosage équilibré comme c'était le cas, je trouve, dans le tome 1.


Je crache dans la soupe pour lui donner du goût (^^), ceci dit cette forme d'écriture autorise aussi de très belles et de très remarquables descriptions ou définitions psychologiques, sociales, philosophiques, de classe... dont je suis fan et j'en ai annoté de nombreuses - ce qui là encore m'arrive rarement - qui m'ont marquées pour pouvoir les relire plus tard (ainsi pour l'excentricité qui est dans mon top 5 des définitions, le mille-feuille moral de Lespalettes, ou encore la honte d'Alice qui m'a rappelé la scène du restaurant dans The Wire, la description de certains mécanismes de pouvoir, la façon dont la psychologie d'Alice évolue pour cesser d'être Claire, etc. ; j'apprécie aussi beaucoup d'avoir des références à la pelle disséminées dans le roman).
C'est clairement ce qui fait la force et la valeur de ces deux tomes pour moi ainsi que la raison pour laquelle ils sont à part.


D'ailleurs, après avoir achevé le tome 2, je me suis relu Apocalypse Bébé (c'est le seul que j'avais sous la main, sinon j'aurais probablement relu Vernon Subutex) tellement je vois une similarité entre Despentes et Vaquette dans la description d'un panorama social.
À ce propos, d'ailleurs, et même si le personnage principal est une femme, on sent que Vaquette reste sur des positions classiques dans la manière de mettre en scène le genre de ses personnages (au contraire de Despentes) - par exemple lors de la scène d'amour SM où, si on comprend bien que l'auteur veut centrer autour du consentement, il n'y aura pas de trouble dans le genre (entendons-nous bien : ça n'enlève rien, pour moi, à la valeur de ses personnages).


Puisqu'on parle de politique, les analyses du roman reflètent bien les préoccupations libertaires de Vaquette, avec la critique d'une société virant de plus en plus vers un autoritarisme sécuritaire capable de récupérer des critiques sociales comme le féminisme (je le dis avec des gros sabots, parce que c'est plus subtilement articulé dans le roman) - et la caricature de Zemmour et Houellebecq dans le même personnage autant minable que détestable fait du bien - mais ne donnant pas assez d'importance, pour moi, à l'essor des mouvements décoloniaux de toute forme, écologistes ou à l'évolution de l'informatique.


J'ai dit plus ou moins tout ce que je voulais dire, et j'espère que ça ne donne pas une fausse impression : ce roman est vraiment très bon, j'ai adoré, je le recommanderai (9/10 pour le tome 1, 7/10 pour le tome 2) et j'attends avec impatience le tome 3 - ce ne m'empêche pas de formuler quelques critiques (ce qui n'aurait aucun sens de le faire si je ne l'avais pas apprécié).


Encore deux choses :
- Allez, qui a tué Alice ? Connaissant le travail de Vaquette, je mise sur un personnage incarnant symboliquement une forme de médiocrité dans les références vaquettiennes. Bedu, ça serait trop évident et le personnage me paraît trop veule... J'ai pensé à Lauranne mais elle me paraît trop calculatrice pour risquer ça... Steve éventuellement, sur un coup de sang, mais il aurait sans doute craqué devant Lespalettes... Je mise plutôt sur la cousine d'Alice, Gaëlle... À voir :D
- Une critique remarquait qu'il y avait du Vaquette dans chaque personnage, et c'est très juste ! Pour ma part j'avais plutôt vu en Alice/Claire une transposition de Vaquette, Lawrence incarnant une espèce d'idéal/fantasme.

Babtou_Fragile
8
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le 11 juil. 2021

Critique lue 250 fois

Un souffle

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