Eau douce.
Nigeria. On suit la jeune Ada. Enfant habitée par des esprits. Façonnée par différentes personnalités qui vont s’entrecroiser et se batailler le droit d’exister. Enfant, ils sont là avec elle. Protecteurs de cette enveloppe de chair qui leur a permis de quitter leur monde.
À travers Ada, c’est toute une mythologie qui se façonne. Celle des esprits. D’une culture igbo. Le roman se construit sur une base ésotérique, peut-être aussi un peu fantastique. Les premières pages et premiers chapitres sont complexes. Il faut pouvoir s’immerger à cette cosmologie inconnue. Comprendre. Situer. Nommer les différents esprits. Ce sont eux qui racontent, qui prennent corps, sont les narrateurs d’une histoire à laquelle ils ont pris part sans nécessairement le vouloir. La complexité se forme via ce voile qui se pose sur Ada. Rarement le personnage principal expose ses émotions, celles-ci passent par le prisme des esprits, des autres personnalités qui galopent et étouffent Ada.
Un roman à deux strates se forme au fur et à mesure qu’on suit les péripéties de l’Ada. La première est d’y voir le récit fantaisiste d’une possession. D’un monde gorgé d’esprits. L’autre strate offre la vision d’une caboche nouée d’une maladie mentale.
L’auteure ne s’embarrasse pas d’incorporer des parcelles de bonheur et autres fantaisies pour atténuer la noirceur des propos. C’est cru. Parfois violent. Malsain. Mais la maladie n’est pas un terreau de tranquillité. C’est le duel constant. La bataille. Le cataclysme mental. Une écriture ciselée, sans fard. Elles luttent les personnalités, elles croquent, elles dérangent, elles distillent doute. Elles.
Une pluralité d’envies, de caractères, de sexualités.
Une belle découverte.
Un roman fort, éprouvant.
Un récit duquel on s’extirpe difficilement tant la construction est dense.