Mémoires d'un métier:Ecritures

Stephen King arrive une fois encore à nous surprendre, il nous livre Mémoires d'auteur ,roman entre l'autobiographie et l'essai.On est toujours aussi fasciné par sa prose et on découvre un autre Stephen King,pas l'auteur enfin si mais l'homme avant tout,l'enfant.Il nous raconte ici quelques souvenirs d'enfance qui ont d'ailleurs largement inspiré son roman Cà,les bêtises d'enfance notamment qui rappellent La gloire de mon père de Marcel Pagnol.Cette façon de présenter l'enfance comme un moment unique et puissant où tout est possible où on se sent invulnérable,fort.Tout comme dans le roman de Pagnol,l'enfance est synonyme d'expérience et de sottises de toute sorte.Prenons le frère de Stephen King notamment qui avait toujours des idées brillantes mais souvent aux conséquences désastreuses:la fois où il a construit un barrage à Statford et qui a inondé la ville de Stratfort(ça vous rappelle rien???)ou encore lorsqu'il a conseillé à Stephen de s'essuyer les fesses avec du sumac sans savoir que la plante était venimeuse(hilarant!!)....

On suit en même temps ses premiers essais dans l'écriture,son premier « roman » n'était que le plagiat d'un livre qu'il possédait.Sa mère lui a alors conseillé d'écrire son propre roman et à ce moment il a pensé « Je me souviens d'un fabuleux sentiment de possibilité à cette idée,comme si l'on venait de m'introduire dans un vaste bâtiment rempli de portes fermées en m'autorisant à ouvrir n'importe quelle »(Stephen King).Il a ensuite écrit sa propre histoire et l'a montré à sa mère qui pensait que son roman aurait pu être publié.A cette réponse,l'auteur nous confie « Personne ne m'a rien déclaré depuis qui m'ait donné autant de bonheur ».Ensuite,il continue à en écrire d'autres tout en s'investissant dans la journal de son frère « le torchon de Dave »(caricature de leurs professeurs).A la même époque,il se découvre une véritable passion pour le cinéma notamment les films d'horreur qu'il allait voir tous les samedis après midi avec un ami.En lisant ce livre,le spectateur n'a pas l'impression que l'enfance du romancier ait été banale tout au contraire.Il le dit d'ailleurs lui même,lorsqu'il était enfant il a beaucoup voyagé avec sa mère et son frère,il parle très peu de son père juste que ce dernier a pris la poudre d'escampette à cause de dettes.On a souvent l'impression que les personnes de sa vie sortent tout droit de ses romans ou l'inverse(d'ailleurs j'ai mis personnage avant de mettre personne tellement c'est flagrant),notamment avec une de ces baby sitter foldingue surnommée « Eula-Beulah » ou encore celui qui l'a écrasé beaucoup plus tard.

Ce roman prend également les allures de confession à commencer par ses déboires en tant qu'écrivain.Qui aurait pu dire que l'écrivain célèbre d'aujourd'hui a du travailler comme blanchisseur(notamment pour un hôpital et inutile de vous dire ce qu'il y trouvait,ce fut d'ailleurs pour lui une grande source d'inspiration)pour nourrir sa famille,enchainer les refus de publication dans le passé?Je dis « chapeau bas l'artiste »,on voit de toute façon cette détermination et conviction de l'homme à devenir écrivain et celle de sa femme Tabby.Viennent aussi les confessions sur ses différentes addictions(alcool,cocaïne,sirop pour la toux)sans détour avec même un certain dégout de l'homme qu'il était à cette époque.La simplicité et la sincérité dans laquelle il se livre est touchante et invite au respect.L'auteur parle également dans le dernier chapitre de son œuvre,de son accident qui aurait pû lui couter la vie .Cet accident qui arrive alors qu'il écrivait Mémoires d'un métier,du coup il a cru ne jamais finir ce roman et je crois qu'il nous livre bien plus qu'un roman mais de l'espoir,de la vie au delà de la souffrance physique et psychique.L'éternel combat entre la tête et le corps.Il a écrit d'ailleurs cette magnifique phrase « La vie n'est pas faite pour soutenir l'art.C'est tout le contraire ».

On remarque tout au long du livre que Stephen King puise l'inspiration partout,dans ses différents boulots,dans la phrase d'un collègue,dans son enfance....Comme pour Carrie qui fut son premier succès,pour son personnage principal il s'est inspiré de deux filles dont personne n'aimait au lycée.On apprend d'ailleurs que l'une s'est suicidée et l'autre est décédée d'une crise cardiaque.Au commencement du roman,l'auteur confie qu'il n'aimait pas Carrie mais que ces deux filles lui ont permis d'apprécier le personnage,de le « comprendre ».Dans son chapitre « Écritures »,il s'adonne à la difficile tâche de « donneurs de leçon en matière d'écriture » pour notre plus grand plaisir.Qu'on soit écrivain confirmé ou amateur,on trouvera dans cette partie tous les conseils,toutes les bases nécessaires à la conception d'un roman qu'il compare à une « boite à outils ».Le tout est servi d'exemples de différents auteurs,des fautes à éviter selon lui.Et c'est là qu'on se dit « c'est pas une mince affaire d'écrire un roman,c'est pas aussi facile que je l'avais cru »,en plus le maître est exigeant,intransigeant et comme ce n'est pas suffisant,il est un romancier talentueux.Stephen King expose la différence entre écrire et être un écrivain,tout dépend dans de quel côté on se trouve et de ce qu'on veut réellement.Et puis,il parle de la difficulté du métier d'écrivain:l'inconstance, la solitude, le syndrome de la feuille blanche...vous l'aurez compris c'est très instructif.Çà se pourrait que l'écrivain en herbe qui sommeille en vous,voir dans ce livre la destruction de vos ambitions,de vos rêves ou au contraire voir en cela la possibilité de donner le meilleur de vous mêmes.Je penche pour la deuxième solution même si ce n'est pas forcement dans l'écriture.

Sur la quatrième couverture de l'édition Albin Michel,le texte dit ceci(et il me semble qu'elle résume tout à fait son auteur): »Une fois encore Stephen King montre qu'il est bien plus qu'un maître du thriller:un immense écrivain »(Éditions Albin Michel).