Égologie
7.6
Égologie

livre de Aude Vidal (2017)

Aude Vidal pointe du doigt, juge et critique. Qui ? ça n'est pas très clair. Les bobos ? Les "alternatifs" ? Les profs de yoga ? Les adeptes du développement personnel ? Un peu tout cela. Bref, les représentants de la petite bourgeoisie urbaine. Certes, il est de bon ton de pointer du doigt la relative inutilité des "petits gestes" du quotidien qui ont bien peu de poids face aux changements qu'il faudrait mettre en oeuvre à l'échelle planétaire pour sortir du paradigme destructeur du capitalisme et de l'utlralibéralisme.


Le problème c'est que ce petit pamphlet ressemble à un règlement de compte. Aude Vidal s'acharne sur un certain nombre de comportements (le développement personnel, les jardins partagés, la méditation en pleine conscience, le DIY...) en concluant quasi-systématiquement par "c'est un moyen de conforter le libéralisme que ces gens prétendent critiquer". Le problème, c'est qu'elle n'explique pas en quoi cela est problématique. Autant les critiques du libéralisme économique sont facilement compréhensibles, autant celles du libéralisme politique mériteraient d'être développées. A la fin de chaque chapitre, je restais sur ma faim et me répétait inlassablement la même rengaine : "mais encore ?".


Par ailleurs, ce qui dérange dans ce bref opuscule c'est que la militante créé des catégories de personnes aussi arbitraires qu'abstraites. On a du mal à saisir qui sont ces "petits bourgeois" auxquels elle fait référence, ne renvoyant à aucune étude digne de ce nom ni même à aucun critère socio-économique rigoureusement définie par ses soins. J'ai eu quelques difficultés à me représenter le profil dont l'autrice définit les comportements : un écolo un peu réac, sexiste, bourgeois, qui cultive son jardin collectif tout en étant "mal à l'aise" en présence de personnes d'extractions plus modestes ? L'ouvrage consiste alors en une accumulation de clichés sur cette classe sociale "intermédiaire" (mais pas "classe moyenne" pour autant nous dit-on) qui se donnerait bonne conscience en se revendiquant écolo, mangeant bio et fabriquant son pain à la maison, tout en maintenant un statu quo politique qui leur permet de conserver leur confort de vie. On devine une thèse intéressante poindre derrière cette accumulation un peu maladroite de comportements égotiques servis en vrac (on se demande un peu ce que le revenu universel vient faire entre l'AMAP et le développement personnel). Mais tout cela mériterait d'être étayée et argumentée.


Enfin, on peut reprocher à Aude Vidal d'opposer "petits gestes" et militantisme politique sans véritablement rappeler que les deux peuvent tout à fait se cumuler et ne s'opposent pas forcément. On regrettera d'ailleurs qu'elle n'étaye pas d'avantage ce qu'elle entend (et attend) par "engagement politique". Ce qui semble être son objectif ultime, qui devrait faire vibrer chacun d'entre-nous, reste une sorte d'idéal abstrait aux contours mal définis. On devine la fin du système capitaliste ou la réorganisation de la société selon d'autres valeurs. On aurait souhaité savoir lesquelles et, surtout, comment y parvenir. Dans la même veine, on préférera l'ouvrage de Corinne Morel Darleux : Plutôt couler en beauté que flotter sans grâce, qui incite à l'action politique et à un désengagement des structures et des modes de pensées aliénants de la société tout en gardant un émerveillement pour le monde. Plus inspiré, donc plus inspirant.

ZachJones
6
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le 14 févr. 2020

Critique lue 71 fois

Zachary Jones

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