Éthique
Éthique

livre de Baruch Spinoza (1677)

Quel ouvrage, et quelle cohérence !

S'il n'est pas évident de rentrer dans le livre, notamment en raison de son caractère particulièrement aride et de la plume de Spinoza parfois hasardeuse, faire l'effort de s'accrocher en vaut le coup. Car Spinoza, en partant de ses axiomes, de ses définitions et de ses démonstrations déploie un monstre de logique qu'il me paraît difficile de contrer - du moins jusqu'au livre V. Bien évidemment, les conclusions peuvent ne pas plaire : déterminisme absolu de l'univers et donc de l'homme ; refus catégorique des concepts de beau, laid, juste, injuste, mérite, bien ou mal ; priorité absolue à la raison ; etc. Mais elles ont le mérite de découler naturellement de son seul postulat de départ - l'infinité de Dieu, ou de l'univers - et de la logique. Si en effet Dieu est parfait (ce qui peut difficilement être discuté étant donné la définition même de Dieu), alors il est infini (c'est contenu dans les propriétés de la perfection). Or, s'il est infini, alors il est partout, il est tout, tout est lui et tout se meut en lui. De cette conclusion difficilement contestable, Spinoza tire les conclusions qui s'en suivent nécessairement : mal, laideur, injustice, liberté et volonté ne sont que des constructions humaines dont le fondement est l'absence de pleine compréhension de postulat de départ : Dieu est parfait. D'où la nécessité d'un livre entier (le premier) à propos de Dieu.

Alors, certes, de telles conclusions peuvent ne pas plaire et heurter les valeurs et les sensibilités. Mais Spinoza n'a que faire de la sensibilité et des valeurs. Il ne fonctionne que par raison et démonstrations. Alors comment le contredire ? Par quel bout le contredire quand tout a été amené avec une précision si grande et une cohérence si solide ?

C'est pourquoi Spinoza me paraît être un auteur certes difficile à lire, de par son aridité, mais aussi impossible à dépasser. Car c'est l'auteur qui suit la logique, peu importe où elle mène. C'est aussi pour cette raison, comme je le soulignais, que le livre V dénote tant. On y sent, par l'arrivée du concept d'intuition, un décalage avec ce qui précède. A le suivre, pas à pas, on sent qu'un saut est fait. Ce concept arrive sans nécessité géométrique, par seule volonté de son auteur. C'est le besoin et l'envie qui ont ici guidé Spinoza, et plus la nécessité de la logique. Et c'est le livre qui n'est pas terminé.

Comme un symbole.

Steino
8
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Créée

le 9 sept. 2025

Modifiée

le 9 sept. 2025

Critique lue 4 fois

Steino

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