Les amateurs de littérature indienne ont l'habitude de grandes sagas, souvent familiales, traduites de l'anglais, avec des auteurs aussi célèbres mondialement que Ghosh, Seth, Roy, Adiga, etc. Perumal Murugan est différent : il écrit en tamoul, sa langue natale, et Femme pour moitié est davantage une chronique, ou mieux encore un conte, situé dans le Tamil Nadu, au sud-ouest de l'Inde, autour d'un couple de paysans heureux en amour mais dont le grand drame est de ne pas avoir d'enfants, après 12 ans de vie commune. Le romancier décrit avec vivacité cette situation qui suscite plaisanteries, quolibets, remarques et condescendance, dans leur famille, leur village et au-delà. Murugan est doué comme satiriste et sa plume est trempée dans une ironie mordante qui n'épargne ni la religion ni les traditions ni le virilisme ambiant. Un récit en partie "pittoresque" pour des lecteurs occidentaux mais parfaitement ancré dans un pays où la violence n'est jamais loin et la fin du livre, suspendue, tranche par son annonce tragique. Il est nécessaire de lire la préface de Laetitia Zecchini, l'une des traductrices du roman, qui explique comment des groupes hindous radicaux ainsi que des groupes fondés sur les castes ont exigé des mesures violentes contre l'auteur, qui, à leurs yeux, avait brisé les barrières morales, insulté les dieux et répandu des mensonges sur leur communauté. Si la justice a donné raison à Murugan, qui a un temps arrêté d'écrire, celui-ci a reconsidéré son œuvre et s'est appliqué désormais à pratiquer une forme d'auto-censure. Tout cela pour avoir évoqué clairement une pratique avérée mais hypocritement dissimulée, dans Femme pour moitié.

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le 26 avr. 2025

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