Galigaï
6.6
Galigaï

livre de François Mauriac (1952)

Un texte globalement assez insignifiant pendant le temps de la lecture même (une analyse postérieure peut cependant être intéressante en se basant sur la postface de Mauriac : il affirme que le roman aurait pu s’intituler « Le désir et le dégoût »), une écriture banale, pas toujours du meilleur goût justement, seulement quelques rares images inspirées avec des connotations fortement religieuses et/ou homoérotiques (là est le paradoxe : ou pas ?) surnagent dans ces quelques 200 pages ordinaires par ailleurs : personnages bourgeois de province, vie quotidienne et intrigues familiales et sentimentales, histoires d’héritages et de biens fonciers, enjeux psychologiques implicites… Le personnage de Galigaï est relativement intéressant si l’on s’attarde dessus : jeune femme aristocrate qui se fait institutrice, sa prétendue laideur n’a d’égale que sa détermination et sa force de volonté, c’est aussi elle qui tient le rôle « viril » et qui cherche à conquérir Nicolas. Elle est peinte en opposition au personnage de ce dernier, jeune homme « doux » dont on doute tout du long s’il n’est pas amoureux de son ami Gilles qu’il admire semble-t-il sans raisons précises (« Il valait mieux ne pas trop le voir : il faut apprendre à vivre séparé de ce qu’on chérit le plus au monde. Nicolas professait qu’on ne possède bien ce qu’on aime que dans le retranchement et dans la solitude. ») ; dont on apprend finalement la vocation religieuse. Cette opposition n’empêche pas Galigaï d’avoir un destin ambivalent puisque malgré son obstination, ou peut-être à cause d’elle, elle est violemment rejetée par Nicolas après leurs fragiles fiançailles (« Je vous dégoûte. Mais quelle femme ne vous dégoûte pas ? ») et après s’être reniée elle-même, s’être souhaitée soumise, invisible et ombre de cet homme pour tenter de l’atteindre, elle reste abandonnée de lui mais surtout de toute estime et de tout respect réel, comme si sa passion, alliée à sa laideur, la condamnait depuis le départ. La critique féministe aurait là-dessus bien des choses à développer. Galigaï tiendra désormais et définitivement le respect d’autrui de son origine noble et d’un mariage arrangeant avec un homme âgé, attaché à son confort et à sa routine : estime bien superficielle pour une femme avec des sentiments aussi profonds. Le destin de Nicolas quant à lui est davantage ouvert à l’interprétation : « Qui était-il ? Pour ne pas le savoir, pour l’ignorer à jamais, il habitait au plus profond d’un songe qu’il entretenait, qu’il épaississait autour de lui. »

floralion
6
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le 9 mai 2021

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