Génitrix
7.2
Génitrix

livre de François Mauriac (1923)

Ce roman de François Mauriac se déroule sur les lieux de son enfance. Mais ce n'est pas un livre autobiographique que je sache. Il a juste emprunté des lieux qu'il connaissait bien pour y implanter son roman, une grande maison familiale (maison de maître) en région bordelaise située à proximité de la gare pour des raisons professionnelles car la famille faisait le commerce de bois, des merrains en particulier utilisés en tonnellerie.
Le roman commence par l'agonie de Mathilde, l'épouse de Fernand faisant suite à une fausse couche. On découvre que Fernand, complètement inféodé à sa mère qui hait Mathilde, ne prend même plus la peine de veiller sur elle. Pendant son agonie, elle fait le triste bilan de sa vie professionnelle et intime que Mauriac conclut par un terrible : "elle eut la mort douce de ceux qui ne sont pas aimés"
Cette haine viscérale de la mère vis-à-vis de sa belle-fille remonte au mariage : "vous n'aurez pas mon fils, vous ne me le prendrez jamais"
Vis-à-vis de l'enfant mort-né : "ça n'aurait même pas été un garçon".
La haine de cette mère n'est en fait que pur calcul. D'ailleurs, plus loin dans le roman, elle accorde
et reconnait volontiers de la droiture et de l'honnêteté chez Mathilde. Non, le seul enjeu, c'est Fernand. La possession exclusive du fils. La mère est veuve depuis longtemps et s'est emparée de l'ensemble des propriétés qu'elle gère seule et sans partage. Fernand fait partie de ces propriétés.
Mais voilà que Mathilde à peine morte se met à avoir, enfin, de l'emprise sur Fernand. Au point qu'il retourne dans la chambre de Mathilde qu'il avait déserté il y a fort longtemps et s'éloigne ainsi de la mère.
"C'est toi qui l'a tuée un peu tous les jours". "Ce n'est pas vrai. Je me défendais. J'étais dans mon droit"
Mais pas pour longtemps, car Elle s'adapte puis reprend lentement possession de son fils qui finit par rendre les armes. Différemment et sans gloire.
Mauriac analyse froidement ces personnages dans ce huis-clos mère-fils, arbitré par la servante de toujours, Marie de Lados et par l'ombre de Mathilde.
Le ton du livre est âpre comme cette terre ingrate qu'il faut beaucoup travailler pour un peu de rendement. Mais aussi comme cette terre qu'on possède et qu'on ne veut pas lâcher.
Roman dans la droite ligne de ce que Mauriac a pu écrire dans "le baiser au lépreux" mais surtout "le nœud de vipères" ou encore Thérèse Desqueyroux où Mauriac met à nu cette petite bourgeoisie, catholique !! de la région bordelaise, soucieuse du qu'en-dira-t-on et d'étouffer les passions, génératrices de désordres potentiels.

JeanG55
8
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le 10 févr. 2021

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JeanG55

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