Torture psychologique garantie !
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Je passe sur l’intrigue de Greffe mortelle, si rocambolesque, simpliste et alambiquée à la fois qu’elle constitue sans doute le principal intérêt de ce roman familial d’un genre particulier. N’ayant rien lu d’autre de Marc Agapit (ni d’Adrien Sobra, ni d’Ange Arbos, qui sont deux de ses noms de plume, comme si la question de l’identité touchait la vie de l’auteur aussi bien que ce roman), je ne peux pas non plus confirmer que « tous ses livres traitent d’un sujet unique : la famille » (p. 11), comme l’affirme Philippe Vasset dans la préface de la réédition Mille et Une Nuits. En revanche, la famille qui sert de cadre au récit est bel et bien « pervertie, délabrée et infiniment toxique ». Là où j’arrête de suivre le préfacier, c’est lorsqu’il écrit que tout cela se passe « dans un huis clos atroce où chaque membre ne rêve que d’occire tous les autres, un cénacle incestueux et dévorateur ».
Greffe mortelle, se déroulant dans au moins deux lieux différents, n’est pas un huis clos. Il n’y a qu’un ou deux individus sur la dizaine de membres de la famille (grand-père, fils et belle-mère, sept ou huit enfants et éventuellement un gendre) qui rêve d’être le seul, et un autre moins criminel que sadique. Quant à parler d’inceste, il n’y a rien de tel dans le récit – et même rien de sexuel en général –, et de dévoration, ce serait en filigrane, si l’on considère que se déguiser en quelqu’un, c’est le manger. Là où je veux en venir, c’est qu’en proposant une telle interprétation, Philippe Vasset voit quelque chose – en l’occurrence des mérites – là où il n’y a rien, à la façon de ces critiques de nanars qui surestiment la richesse de leur objet en s’imaginant qu’elle resurgira sur elles-mêmes.
Or, il me semble qu’il faut lire Greffe mortelle comme on regarde un navet sympathique. C’est dans les nanars qu’un personnage peut se déguiser par-dessus un premier déguisement. Dans les nanars que les comédiens surjouent, tout comme Marc Agapit sur-ponctue et sur-définit le ton d’un dialogue tel que « Il a répondu en tremblant : / – Mais, Mon… Monsieur… c’est une chose im… impensable. Ce serait m… monstrueux ! » (p. 40). Dans les nanars que les méchants déclament leurs mauvaises intentions lorsqu’ils sont seuls (p. 22). Dans les nanars qu’un personnage peut dire : « Ne vous en faites pas, madame… Il est bien vivant, même s’il est mort » (p. 151).
Mais Greffe mortelle n’est pas pour autant un roman raté, tout comme un nanar n’est pas vraiment qu’un mauvais film : il arrive à l’auteur, peut-être sans le vouloir, de produire son effet. Ainsi du narrateur, dont on ne connaîtra jamais l’identité, alors que dès les premières lignes, même le moins aguerri des lecteurs doit se poser la question de cette identité : « On ne sait pas que je suis là. Il ne faut pas que je me montre ; il ne faut pas qu’on me voie » (p. 14). Or Marc Agapit me semble tout à fait du genre à oublier en chemin les cailloux qu’il sème, vue la maladresse illustrée tout au long de Greffe mortelle – il y a dans le roman d’autres passages pas mieux écrits, d’autres pistes pas mieux exploitées, d’autres thèmes pas mieux traités que cette question de l’identité du narrateur.)
Pour le style et la construction, j’aurais pu, je pense, écrire Greffe mortelle à dix ou douze ans, lorsque je dévorais plus de Club des Cinq et de « Chair de poule » en un mois que Michael Jordan marquait de points en un match. (J’ai précisé pour le style et la construction : pour l’ambiance générale, même aux pires moments de mon adolescence, je n’ai jamais détesté ma famille au point d’organiser un tel jeu de massacre.) Et je n’étais pas écrivain. Mais il y a bien plus de richesse – sans parler de fantaisie – dans n’importe quel volet de la tétralogie des vampires de Jean Rollin que dans toute la filmographie de Luc Besson.
Et sans aller jusqu’à invoquer l’art brut, on retrouve cette idée que la lecture d’une œuvre puisse la rendre meilleure.
Créée
le 9 juil. 2018
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