Bon, c’est sûr, tout n’est pas parfait dans le Royaume du Danemark. Les personnages sont parfois taillés un peu à la serpe (la femme forte est une « valkyrie », le mascu un viking, le perso homosexuel, très secondaire, est pétillant et excentrique, le flic désabusé au grand coeur…), il y a un male gaze évident (les persos féminins, notamment Ayleen et Eirika, sont sexualisés, ce qui n’est pas du tout le cas des persos masculins), la romance finale Ayleen / Gab arrive comme un cheveu sur la soupe (mec +fille = sexe), et il y a des petites faiblesses d’écriture (certains passages un peu kitschous).
MAIS, j’ai aimé.
Déjà parce qu’il y a une vraie atmosphère. Le côté huis clos sur fond apocalyptique d’ouragan, sur cet archipel rocailleux et inhospitalier pour nos protagonistes, ça fonctionne super bien. C’est tendu, venteux, sombre.
Ensuite, il y a de vrais bon moments d’écriture. La tempête vécue dans le timonier du bateau Sea Shepherd est dantesque, brutale. Il y a un souffle épique certain, on se croirait presque embarqué avec Gilliat dans les Travailleurs de la Mer. J’ai beaucoup aimé les séquences d’apnée également. On sent que l’auteur s’est renseigné sur le sujet, tant il décrit avec précision les sensations, l’extase que procure ce genre de plongée.
Enfin, je trouve le fantastique très bien dosé. Certains faits demeurent inexpliqués (le vol du téléphone, cette mystérieuse silhouette encapuchonnée, la fameuse « Bête »), d’autres en apparence mystérieux trouvent une explication rationnelle. Ce qui les réunit, c’est qu’ils sont les enfants de la noirceur humaine, comme dans tout bon polar noir qui se respecte : la brute assassine, fruit d’une éducation chaotique, le molosse maltraité pr celui ci, la créature sous marine, une sombre orque vengeresse, les pêcheurs dégénérés qui tentent de survivre dans un capitalisme plus dégénéré encore.
Parce que oui, c’est une œuvre engagée, qui assume son parti pris, et le fait de façon intelligente. Ca fait plaisir de voir des militants intelligents (comme dans la vraie vie hein!) qui savent voir l’humain qui souffre au delà de cette abominable coutume du Grindadrap.
En bref, une bonne lecture d’été, bien fraîche (on est quand même dans les îles Féroé) et prenante!