"Qu'il est grand, plus grand encore mort que vivant !"

Henri le mal aimé est le méconnu roi de France de 1574 à 1589, successeur de Charles IX son frère et prédécesseur d'Henri IV son cousin, dit le bien aimé. La monarchie française, terre de contraste !
Je n'ai pas honte d'avouer que je ne connaissais pas grand chose à son sujet et que cette biographie m'a été fort utile ! L'éducation nationale se faisant un point d'honneur de n'en parler jamais. À la plume, Jean-François Solnon, professeur des Universités, qui n'a pas le génie d'un Jean des Cars pour l'écriture biographique, mais qui reste cependant un homme très érudit prenant soin à présenter les choses de manière la plus scientifique et objective possible.
Cette biographie a un but, il le dit clairement au dernier chapitre intitulé "Je ne veux sinon la vérité" que c'est une tentative de réhabilitation d'Henri III qui fut longtemps l'objet de calomnies et de mépris par des générations de français et d'historiens. Mais cette tentative de réhabilitation ne doit évidemment pas se faire au détriment de la vérité historique et il me semble que c'est le cas ici. Il faut dire que le XVIe siècle français n'est pas facile à étudier en histoire ou en histoire de l'art car, hélas, une grande partie des sources ont disparu au cours des siècles. Ce contexte particulier, ajouté aux troubles du temps et à un règne difficile, a valu au souverain d'être accusé de toutes les horreurs. Le manque de source concrète ainsi que les nombreux écrits diffamatoires firent le consentement de tous en l’absence d'assertion contraire. Qui ne connait pas la légende des mignons du roi et de son homosexualité prétendue ? Pourtant Solnon est ferme. Absolument rien ne peut attester de cela et l'historien tâche de nous le démontrer, à point nommé, dans l'ensemble de son livre : "Toutefois, ce n'est pas avec des pamphlets qu'on écrit l'Histoire" nous rappelle t-il justement.
L'universitaire nous présente un roi éloquent, cultivé et magnanime qui eu la malchance d'être sacré pendant l'une des périodes les plus houleuses de l'histoire de France. Préférant la lecture et l'organisation de somptueuses fêtes au maniement de l'épée et à la chasse, Henri III n'était pas un "bon" monarque comme on l'entendait alors dans ce royaume au XVIe siècle : "Dans ce pays-là, tout noble, tout seigneur, tout prince qui n'aime, qui ne cherche pas la guerre, n'est point estimé", Jean Michel, ambassadeur de Venise (1575) est sans équivoque. La virilité et la rusticité sont des codes particulièrement observés par la haute noblesse, il ne s'agit pas d'une simple manière de vivre. Henri III, une fois sur le trône, dévoile des raffinements et un goût pour les activités intellectuelles rarement vu chez un roi de France. Ce qui est paradoxal finalement puisque on sait que Monsieur, alors Duc d'Anjou et lieutenant-général des armées du roi Charles IX, était très apprécié par ses contemporains pour les célèbres batailles qu'il remporta contre les protestants à Jarnac et Moncontour en 1569. De fait, l'opinion publique qui l'a toujours estimé comme un prince guerrier et victorieux ne lui pardonna jamais cette vie de cour qu'il ne quittera qu'en 1589 lors du siège de Paris, sa propre capitale, aux côtés du futur Henri IV. Bien trop tard lorsqu'on sait ce que lui réserve le destin cette même année.
Par l'intermédiaire de la vie d'Henri III, on apprend quantité de choses sur les relations complexes qu'il entretenait avec ses frères Charles IX et François d'Alençon, ce dernier lui causera d'ailleurs beaucoup d'ennuis... La brillante Marguerite de Valois, la régente Catherine de Médicis, l'huguenot Henri de Bourbon ou encore l'insolent Duc de Guise sont de la partie et Solnon nous décrit avec clarté les desseins et volontés de chacun.

Petit bémol : on regrettera les nombreux allers et retours dans la chronologie au fil de la lecture, c'est parfois à s'arracher les cheveux et rend le propos pas toujours très clair. Enfin, la longueur de l'ouvrage est bien trop courte, peut-être qu'il s'agit tout simplement d'un problème de source, en tout cas on reste sur notre faim.