Homo Faber
7.2
Homo Faber

livre de Max Frisch (1957)

"Homo Faber", de l'écrivain Suisse Max FRISCH (1957 et 1961, chez Gallimard, pour la traduction française) est un curieux livre. A découvrir tant il détonne. En effet, Max FRISCH nous entraîne dans une réflexion peu commune sur l'Homme, l'Homo Faber, qui par définition est un homme capable de construire des outils et, ici dans ce roman, est un homme, ingénieur qui ne croit qu'à la réalité technique, à l'analyse de ce qui est fabriqué, quantifiable, reproductible et basé sur des certitudes scientifiques qui s'expliquent et ne peuvent se contredire, même dans le monde du statistiquement prévisible. A l'opposé, trois personnages féminins, vivant la vie, croyant à l'influence des mythes et au bien-fondé des réactions dites naturelles, non calculées et d'une telle évidence qu'il n'est même plus utile de les commenter ou les prouver. Trois femmes différentes, trois femmes avec lesquelles Walter Faber entretiendra des relations centrées sur lui-même, même dans ses amours. Je ne dévoile rien, ici, de qui sont ces femmes, ne voulant, en aucun cas tuer l'intrigue et le déroulement du récit. Sachez seulement que, pas plus que ses amis qui, pour lui, sont aussi d'une autre planète, l'Homo Faber ne comprendra ces femmes avec lesquelles pourtant il tissera des liens incongrus mais bien réels. Cependant, enfermé en lui-même, il ne comprendra jamais ce qui fonde la vie des femmes et les bases sur lesquelles elles s'appuient pour prendre des décisions qu'il dira comprendre sans jamais vraiment se les expliquer. C'est là un des thèmes principaux de ce roman, l'incompatibilité et l'incompréhension dans la relation homme/femme vécue par l'Homo Faber, incompréhension imprégnée de questions le plus souvent sans réponse et d'attitudes de façade en décalage avec le Moi profond qui est le sien.


On retrouvera aussi, dans ce roman, une mise en évidence de la propension humaine à rater sa vie plutôt qu'à la réussir! Tous les choix sont posés sans réel partage d'idées, de sentiments, tous les choix sont arbitraires, impulsifs et ne poussent qu'à regretter la vie alors vécue et non assumée. Bref, une réflexion sur l'impossibilité d'être, de se sentir heureux!


Le roman échappe cependant à la chape de plomb qu'un tel pessimisme vital pourrait engendrer. Pourquoi? Essentiellement, je crois, par son écriture très particulière, très segmentée, austère qui pousse le lecteur à ne pas s'identifier au héros du roman. Inconsciemment, le héros lui apparaît comme anti-héros, celui qu'il n'est pas et donc le lecteur peut se sentir celui qui, lui, se montre libre de jouir davantage de la vie et de la réaliser en meilleure harmonie homme/femme que ce 'fabricant' de problèmes existentiels quelque peu désabusé. Ressenti profond ou illusion? C'est la question que nous pose Max FRISCH!


Malgré donc la difficulté de rentrer dans ce récit, tant à cause de l'écriture inhabituelle qu'à cause de l'antipathie que suscite le personnage, ce livre se lit avec intérêt, plus que plaisir. Il nous invite à la réflexion et ne laisse, je pense, personne indifférent! A découvrir, donc!

François_CONSTANT
8

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Créée

le 10 mars 2017

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