Faites place à Tommy Orange, 37 ans, qui rejoint avec les honneurs et un premier roman épique traduit par Stéphane Roques la collection Terres d'Amérique - Albin Michel (coll qui nous a déjà fait tomber à la renverse en introduisant chez nous Donald Ray Pollock – ???????? ????????????????????????, ???????????????? ???????? ????????????????????, est un chef-d’œuvre inoubliable, Joseph Boyden – dont Tommy est un disciple, Louise Erdrich ou récemment Colson Whitehead).


J’ai certes un faible pour la littérature de, ou sur les indigènes délogés. Les Natifs torturés. Les junkies et les alcoolos, les ratés, les ordures. Le tout dans des romans si possible vertigineux et possédés. C'est souvent en littérature traduite que cela se passe, de nos jours. Patience, les Français du Souffle sont aussi dans la place et on s'en va les débusquer en temps et en heure.


Aujourd’hui en tout cas, direction Oakland, où se prépare un grand pow-wow, rassemblement traditionnel indien et final explosif de cette fresque chorale.
Construit d’une multitude de miettes de vie, au point que pendant les premières dizaines de pages un poil laborieuses on se demande vraiment si tout cela va comporter un peu d’ambition structurelle ou s’il ne s’agit que de tranches posées les unes à côté des autres, le grand pain d’Orange lève rapidement pour détailler la condition des descendants de réserves qui n’y vivent plus mais sont éparpillés dans une ville absurde, au gré de pertes lourdes, d’addictions régulières et de déconnection de la réalité fréquentes. Progressivement, ces personnages vont se trouver des liens éloignés, comme si finalement, de près ou de loin, ils ne pouvaient échapper à leur sang, leur culture pour la plupart des personnages ignorée, oubliée ou repoussée. De la Nouvelle Amérique, ils ont absorbé la dépendance à la technologie, l’hypocrisie sexuelle et, bien entendu, la violence viscérale.


Le point d’orgue qui les rassemblera au Coliseum d’Oakland, constitue parmi les pages les plus poignantes, les plus charnelles, les plus inspirées que j’aie pu lire sur … sur ce qu’il va se passer, donc, à la fin. Une fin qui d’ailleurs, vous laisse cœur battant et trous dans le ventre, une fin aussi fine et ouverte que ne le sont les propositions des personnages, qui ne s’imposent jamais, mais tâtent, doutent, peinent à se trouver. En abîme, un jeune cinéaste en herbe doué d’une bourse – qu’on saura, grâce aux remerciements en fin de volume, être l’un des reflets de l’écrivain lui-même, part en quête de témoignages vivants sur ces NDN, contraction numérique d’Indiens, à qui l’on a demandé avec un sourire carnassier de « tourner la page ».


????ℎ???????????? ????ℎ????????????, le titre original se référant à une chanson de Radiohead, est de plus ponctué de références que ma génération appréciera : Darren Aronofsky, A Tribe Called Red (dont je suis grande fan depuis un moment), James Hampton, Eminem, Stephen King…


Dans un style sobre qui ménage ses effets, nous rince régulièrement de magnifiques formules, d’élans de quasi transe, Tommy Orange nous documente, peut-être, sur le sort des Indiens d’aujourd’hui en Californie, mais il nous emporte surtout dans une spirale nerveuse et poétique, d’existences anxieuses, malades, détériorées ou survivantes, souvent douces, décalées, incertaines. ???????????? ???????????????????? ???????????????????? ????????????????????????.

PamélaR1
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le 3 sept. 2019

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Paméla Ramos

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