Insurrections paysannes : De la terre à la rue, Usages de la violence au XXe siècle par Quentin_Tournon

Insurrections paysannes : de la terre à rue, usages de la violence au XXème siècle est un pur livre d’universitaire. 400 pages de textes et une cinquantaines de notes, sources et remerciements. Le tout peut rebuter et il faut dire clairement qu’un peu d’habitude de ce genre d’ouvrage est nécessaire pour arriver à l’ingurgiter. Il faut dire qu’Edouard Lynch en avait des choses à dire. Professeur d’histoire contemporaine à l’Université Lumière (Lyon 2) il a fait de la paysannerie au XXème siècle une spécialité. L’idée de cet ouvrage est de revenir sur plus d’un siècle d’histoire de contestation et de rebellions lors de grands bouleversements. On retrouve certes des évènements historiques marquants (les deux guerres mondiales par exemple), mais surtout le changement radical d’une catégorie sociale qui cesse notamment d’être la première de France. Sans rentrer davantage dans le détail des différentes problématiques je peux dire qu’Edouard Lynch n’en néglige aucune.

Sur la forme l’ouvrage présenté un déroulé chronologiques d’évènement. Le souci d’une certaine cohérence du propos oblige à quelques allers retours chronologiques pour suivre un sujet en particulier. Ce découpage rend le tout facile à suivre et évite de se perdre tout en mettant en avant les principales périodes et surtout les évolutions. A ce sujet on appréciera qu’Edouard Lynch évite le mythe du « tournant majeur » pour mettre en avant une évolution progressive et continue. Attention toutefois : ce déroulement chronologique peut créer une attente concernant certains évènements historiques précis (14-18, 39-45, mai 68) qui peut être déçu quand ces périodes sont traités comme les autres.

Sur le fond Edouard Lynch témoigne d’un vrai travail d’historien. La majeure partie de l’ouvrage est une succession de témoignages et de récits d’évènements plus ou moins triviaux. Le tout prend une allure de recueil de « faits divers » qui se lisent avec un certain plaisir mais la volonté d’une exhaustivité relative rend le tout quelque peu redondant. Ces récits servent toutefois bien un propos restant au plus près des évènements et évitant toute analyse ou extrapolation excessive.

Quelques reproches à faire à l’ouvrage ? Déjà l’absence d’une carte localisant les différents évènements décrits est à regretter. D’une manière générale l’absence de toute iconographie rend la lecture d’autant plus fastidieuse. Ensuite on peut débattre de la volonté de ne pas détailler la période de l’Occupation. Certes les conséquences sont présentées et le sujet mériterait un ouvrage à lui tout seul mais ce manque donne un sentiment de coupure en plein milieu de l’ouvrage un peu dommageable. Dernier point à aborder, qui là ne concerne que mes gouts personnels : les notes de bas de page. Je trouve toujours insupportable de mettre ces notes en fin d’ouvrage et pas en bas de page. On se retrouve finalement à les ignorer, ce qui ne rend pas justice à l’impressionnant travail d’historien d’Edouard Lynch.

En conclusions je reviendrai sur l’aspect très professionnel et universitaire de cet ouvrage. La rigueur et la précision du travail donne un style très analytique et factuel (certain pourrait dire froid). Un ouvrage sérieux et solide, plaisant à lire si le sujet vous intéresse et que le style très scientifique ne vous effraye pas.