Comme tout manuel, un bel ouvroir à lectures.

Quatre sociologues tentent une synthèse sur toutes les questions liées au genre.

C'est de la sociologie : il y a beaucoup de distinctions méthodologiques, conceptuelles. Les recommandations bibliographiques sont plutôt intéressantes, même s'il s'agit d'ouvrages de spécialistes plutôt que d'oeuvres de fiction (encore que...). Vous trouverez un apparat critique conséquent, des encadrés didactiques sur certaines notions et des extraits de textes souvent fort évocateurs. L'ensemble vous donnera de nombreuses pistes de lecture sur des sujets que vous ne soupçonniez peut-être pas.

Au fonds, ce que je retiens, c'est l'impression que notre langage court après une réalité qui échappe à la généralisation. Et c'est peut-être mieux, car le jargon du genre, qui cherche à tout catégoriser, à tout scinder pour mieux expliquer, risque parfois trop, à mon goût, de tomber dans la taxinomie et la dictature de l'identité.

Est-ce que ce livre contribue à ce phénomène ? C'est évidemment la question que l'on peut se poser. Disons que c'est assez paradoxal, car le livre explore à grands frais de distinctions lexicales les orientations sexuelles, le genre comme construction, etc... tout en prenant soin de rappeler que l'individu ne se résume pas à cette identité. Au final, on garde tout de même une légère impression de casuistique. Mais au moins, on a plongé dans un monde riche de références bibliographiques, d'études sociologiques, etc... La réflexion sur le rôle de l'Etat montre la variété des situation et leurs conséquences. On aimerait même parfois que ce soit plus détaillé, mais le livre est un manuel, il n'a qu'un rôle de recensement.

Au risque d'être polémique il y a tout de même une sous-représentation du mâle cisgenre (moi, quoi), mais je ne souhaite pas nous poser en victimes. Je dis juste que lorsqu'on décrit les tombereaux d'inégalités genrées que subissent les femmes (devant les tâches ménagères, les salaires, etc...), il aurait été bon, par exemple de parler de l'inégalité face aux sites de rencontres (gratuits pour les femmes). C'est ébauché quand il est question du congé paternité, mais à peine, hélas.

Je voudrais ficher tout le livre (il s'y prête bien), mais je vais rappeler simplement les grandes parties.

I - Sexe et genre.
Chapitre déconstruisant l'idée de nature dans le sexe. On revient aussi sur la construction progressive du concept de genre.

II - Genre, sexualité et vie conjugale.
Sur les mutations de la sexualité vers une binarité telle que nous la connaissons aujourd'hui. La dernière sous-partie évoque chaque communauté LGBT et j'ai notamment pris conscience d'une chose : que pour un homme homosexuel, un transsexuel qui change de sexe pour devenir une femme et revenir à un rapport apparent d'hétérosexualité a quelque chose d'une trahison. Bref, un homo peut être transphobe. Je n'y avais jamais pensé.

III - Genre et socialisation.
Sur l'éducation et le fait qu'elle fabrique des différences de genre (par la parentalité, par les jouets, la culture, la scolarisation, les pratiques sportives, etc...).

IV - Genre et travail.
Sur les inégalités de travail, à commencer par la difficile reconnaissance du travail domestique des femmes. Enjeux de la féminisation du travail, des plafonds de verre, etc...

V - Genre et politique.
Sur la difficile émergence des femmes en politique, les raisons et les pièges du paritarisme, le rôle de l'Etat dans les politiques familiales, etc... Une idée reçue qu'il faut dénoncer : les Lumières n'ont pas constitué un progrès pour la femme, au contraire (Locke, Rousseau...). Quand elles parlent de citoyens, elles pensent aux hommes uniquement.

VI - Intersections.
Probablement le chapitre le moins intéressant. Il étudie l'identité genrée en rapport avec les autres identités (ethniques, sociales...). Tout cela pour dire que deux catégories opprimées ne s'additionnent pas forcément pour faire une catégorie "super-opprimée" : les femmes noires sous l'eslavage n'avaient pas une condition pire que les hommes, mais légèrement au-dessus.