Invisibles
Invisibles

livre de Lucía Puenzo (2018)

Un monde désespérément corrompu et dangereux vu à hauteur d'enfants

La Enana, Ismael et Ajo sont trois enfants des rues de Buenos Aires, âgés de seize, treize et six ans. Ils ont été recrutés et littéralement dressés par une organisation d'agents de sécurité corrompus, pour cambrioler des maisons. Leur "patron" décide de les vendre à d'autres malfrats en Uruguay, où le jeune trio doit s'attaquer à un complexe de luxueuses villas hautement protégées : une mission à hauts risques où, à la moindre anicroche, leur vie ne pèsera pas lourd.


Le sujet ne peut qu'interpeler et l'on se prend vite d'affection pour ces gamins livrés à eux-mêmes et réduits aux pires expédients pour leur survie, proies idéales pour tous les prédateurs et exploiteurs de misère, dans des pays où la corruption et le banditisme gangrènent des pans entiers de la société, et où la vie ne vaut pas toujours bien chère.


Le récit est enlevé, empreint de suspense, et extraordinairement tendre : relaté à hauteur d'enfants, il nous fait partager leurs peurs et leurs souffrances, mais aussi leur solidarité, leur capacité à profiter du présent et à s'émerveiller d'un rien malgré la violence et la crapulerie ambiantes. L'on traverse ainsi le pire d'un pas relativement léger, emporté par l'inconscience de l'enfance, inquiet et horrifié néanmoins de comment tout cela va bien pouvoir finir.


Pourtant, la fin, tout à fait désarçonnante par sa brutalité en queue de poisson, n'est pas, n'en déplaise au lecteur, ce qui compte le plus dans cette histoire : au-delà de la dénonciation des conditions de vie et de l'exploitation de ces gosses des rues, confrontés très jeunes au crime, à la violence et à la mort, l'auteur a choisi de mettre l'accent sur l'incroyable capacité de résilience de l'enfance. La peur et la faim sont là, mais jamais le désespoir, tandis que le jeu et la magie, illustrés par la petite touche de fantastique qu'a choisi d'ajouter l'auteur, restent toujours prêts à resurgir.


A ceci près que j'ai trouvé la petite fantaisie fantastique plutôt superflue et la fin insuffisamment aboutie, j'ai été séduite par ce roman captivant et agréable à lire, qui sait si bien se glisser dans la peau de ses jeunes personnages et nous faire partager leur regard sur un monde désespérément corrompu et dangereux.


https://leslecturesdecannetille.blogspot.com

Cannetille
8
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le 16 mai 2020

Critique lue 65 fois

Cannetille

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