On pourrait se dire que les illustrations, tantôt promotionnelles, tantôt intimes, tantôt ancrées beaucoup plus largement dans l’histoire sociale et culturelle, en tout cas particulièrement abondantes, en couleurs et mises en valeur par le grand format de l’ouvrage, sont le point fort de cette biographie. Ou encore que la plume de Serge Le Vaillant, dont les chroniques du Tarn-et-Saône (« le petit bar de l’Escale, en haut de la côte du Paradis », « mémé Ursule, qu’était une bonne nature », l’Élixir des Goitreux, etc.) entretinrent les nuits de plus d’un insomniaque cultivé autour des années 2010, parmi lesquels votre serviteur, – que sa plume, disais-je, donnerait au texte ce qu’en Macronie un éditeur appellerait une plus-value stylistique. Il n’en est rien, – ou plus exactement ce n’est pas tout à fait le cas –, ce qui n’empêche pas Jacques Brel : l’Éternel Adolescent d’être un bon livre.
S’il manque de la plume de Le Vaillant, qui par ailleurs fait preuve d’une modestie de bon aloi (« Je ne me sens pas la compétence d’analyser son œuvre », p. 7), l’ouvrage ne manque pas de son regard. L’auteur, à rebours d’une tendance voulant qu’un certain nombre de biographies en disant davantage sur le biographe que sur son sujet (voir les biographies de Dylan ou des Stones par François Bon), ne parle pourtant que très brièvement de ce que Brel signifie pour lui, c’est-à-dire pour « un homme qui l’a longtemps détesté, parce que, stupidement, il ne voyait en lui qu’un chanteur pour la génération de ses parents » (p. 7).
On relèvera au passage les piques lancées contre un certain Florent P. ou (car la rancune est un plat qui peut se manger périmé) contre Jean Dutourd. Et on goûtera probablement mieux cette biographie si l’on connaît déjà la vie de celui qui fut boy-scout plein d’embarras, mari et père incompréhensible, apprenti chanteur incompris, chanteur à succès mal compris, acteur curieux, voyageur épanoui…
Dans l’Éternel Adolescent, celle-ci est résumée – dans la mesure où une soixantaine de pages de texte au total puisse constituer le résumé d’une vie. Et assurément cette biographie est l’œuvre d’un admirateur mûr et qui a beaucoup lu, pas d’un de ces fans qui vont emmerder leur idole quand ils la voient sortir sa poubelle.

Alcofribas
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le 19 oct. 2018

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