Sous la fantaisie apparente, une magnifique mauvaise foi et un superbe hommage au cinéma !
Une nouvelle « sotie » (ainsi qu'il la décrit lui-même) de Jean-Bernard Pouy, chez ADK, celle-ci est plus « sérieuse » et nettement plus attachante que « Pétaouchnock » ou « La bataille de Cronenbourg ». Le postulat en est simple : « Comment quelques saucisses en train de griller, une émission à la noix et un beau jour d'été peuvent vous amener à un constat d'une stridente évidence : il faut haïr le cinéma. » Saisissant prétexte pour entamer un beau florilège de souvenirs personnels et de réflexions tantôt malicieuses tantôt désenchantées.
Quelques extraits :
« Depuis, mes proches pensent fielleusement que c'est parce que je ne peux pas rester deux heures sans fumer, et que si j'arrêtais le tabac, je reviendrais ipso facto dans les salles obscures. »
« Les westerns italiens, les films de Clint Eastwood et ceux de Jacques Demy, la série des parrains de Coppola, les scorseseries à rictus et Miles Davis, les resucées kung-foutraques d'après Kurosawa, les comédies musicales après 1940, les sempiternels road-movies filmés dans le désert de la mort (avec la pompe à essence peinte en rouge) et tous les films « qualité française » et autres labels rouges élevés en plein air, dopés au néosociétal, au postréalisme, au postmodernisme, etc. Sautet, oui, mais de porc au curry. Attention de ne pas devenir réactionnaire. »
« Un siècle après ce fameux siècle des Lumière, les femmes sont toujours vaguement considérées comme des êtres inférieurs, on les viole, on les bat, on les voile, on les fait bosser, on les paye mal et l'on ne leur donne pas le pouvoir... Cent ans de magie en deux dimensions, mille deux cent mois de regards de femmes, cinq mille deux cents semaines de vampirisation à géométrie variable n'ont pas amené les hommes à la sagesse. C'est bien la preuve que le cinéma ne sert à rien. »
« C'est parce que j'ai définitivement abandonné le cinéma, que je peux impunément avouer que beaucoup de films se résument, dans mon souvenir, mon plaisir et mon émotion toujours intacte, à une scène, une seule, celle qui vampirise le reste du film, qui ne le résume jamais, mais qui le remplace, le désincarne, voire le désincarcère. »
« J'éprouve a priori une joie malsaine de penser qu'un lecteur éventuel de cette sotie remplacera illico mes pauvres références par d'autres, les siennes, celles qui l'auront tourneboulé, lui. Il entamera ainsi le même travail que moi. Haïr le cinéma. En supprimant le septième art, nous allons enfin pouvoir refaire le monde. »
Une magnifique mauvaise foi et un très bel hommage !